Les Mozart, du reste, purent se remettre bientôt des craintes qui avaient failli leur gâter leur veillée de Noël : ils apprirent, en effet, dès le lendemain, que, malgré le deuil de la Dauphine, leur réception à la Cour ne serait ni décommandée, ni même ajournée. Mais ils apprirent aussi, nouvelle moins agréable, qu’ils auraient immédiatement à se pourvoir de costumes de deuil, au lieu des superbes habits de gala qu’ils avaient apportés. C’était un surcroît imprévu de dépenses, et d’autant plus malencontreux que la vie à Versailles, d’une façon générale, menaçait de leur coûter beaucoup plus qu’ils n’avaient pensé.
Figurez-vous qu’en seize jours Versailles nous a coûté tout près de douze louis d’or ! — écrira plus tard Léopold à ses commanditaires salzbourgeois. — Peut-être allez-vous trouver que c’est trop, et la chose vous paraîtra-t-elle incompréhensible ? Mais c’est que, à Versailles, on n’emploie point de carrosses de remise ni de fiacres, mais seulement des chaises à porteurs ; et, pour chaque course, cela coûte 12 sols. Or il faut que vous sachiez que, très souvent, ayant à prendre au moins deux chaises, sinon trois, nous avons dépensé, rien qu’en courses, un gros thaler et plus : car le temps n’a pas cessé, un seul jour, d’être détestable. Joignez maintenant à cette dépense celle qu’il nous a fallu faire de quatre costumes noirs, et vous ne vous étonnerez plus d’apprendre que notre voyage à Versailles nous ait coûté entre 26 et 27 louis d’or !
Huit jours après l’arrivée des Mozart à Versailles, le 31 décembre, l’exhibition des deux enfans à la Cour était déjà terminée. Mais comment s’est-elle produite ? où ? quand ? et dans quelles circonstances ? c’est ce que les lettres de Léopold ne nous révèlent point. Sa fille, Marianne, dans un récit trop rapide qu’elle nous a laissé de la jeunesse de son frère, se borne à dire que les enfans « se firent entendre à Versailles devant toute la Cour. » Et d’autre part nous savons, d’après le journal de Papillon de la Ferté, que cinquante louis ont été payés, « par ordre de Mesdames, à un petit musicien qui a joué du clavecin devant elles. » Les Mozart n’auraient-ils eu directement affaire qu’à Mesdames ? et leur présentation à Versailles n’aurait-elle consisté qu’en une unique séance, d’un caractère tout intime, où les filles de Louis XV auraient invité le Roi et la Reine, — ou peut-être même seulement le Dauphin et la Dauphine, de telle sorte que le petit Wolfgang n’aurait jamais eu l’honneur du jouer du clavecin devant le roi Louis XV, que la musique, d’ailleurs, n’intéressait guère ? Nous ne saurions l’affirmer d’une