dit tout haut ce que tant d’autres pensent tout bas : la loi de séparation ne finit rien ! Que deviendraient les radicaux, que deviendraient les socialistes s’il en était autrement ? Ils resteraient en face de leurs programmes à réaliser, bien qu’irréalisables, sans avoir rien désormais pour y faire diversion. Les querelles religieuses étaient si commodes pour cela ! Il suffisait de les susciter par un coup de clairon strident, et tout le reste était provisoirement oublié. On ne songeait plus qu’à dissoudre des congrégations et à chercher quelque mauvaise querelle au Pape : cela dispensait d’autre chose ! Qu’y a-t-il eu de plus vide, de plus creux, de plus stérile, au point de vue des grands intérêts du pays, que le long ministère de M. Combes ? Et pourtant M. Combes a fait figure dans le monde ; il a eu l’air d’un personnage. Comment croire que les radicaux, manquant d’idées ou n’en ayant que d’embarrassantes pour eux, se priveront d’un pareil élément de succès personnel ? La guerre religieuse, petite ou grande, est si facile, si commode ! Elle exige si peu d’invention ! Elle est d’un effet immédiat si sûr ! Y renoncer serait une folle imprudence. M. Clémenceau n’y renonce pas. Il annonce déjà des combats, des joutes, des tournois nouveaux. Que deviendra donc ce grand apaisement qu’on nous avait promis ? Nous n’y avions pas cru, c’est vrai, mais d’autres avaient pu y croire, et on jurera demain au pays qu’on le lui a définitivement assuré. Le croira-t-il ? C’est alors qu’il éprouvera la grande déception dont M. Clémenceau l’a menacé. Seulement, les élections seront passées et, pour le moment du moins, le tour sera joué.
Il faut parler franchement : la séparation, non pas dans l’esprit de tous ceux qui la votent, mais dans l’esprit de ceux qui la font voter, a pour objet de déchristianiser la France, et surtout de la décatholiciser. Elle n’est qu’une étape à laquelle on ne s’arrêtera pas dans cette entreprise de longue haleine. L’article 4 de la loi respecte le principe catholique : cela suffit pour qu’on lui en veuille, pour qu’on le condamne, pour qu’on en propose déjà l’abrogation. L’assaut n’est encore qu’indiqué ; mais c’est une manière de le préparer. On montre dans la loi le point principal qui doit y servir de cible. Tel est le plan. Réussira-t-il ? Cela dépend de tant de circonstances incertaines qu’il est impossible de le dire : mais le but et le moyen sont évidens. Ils consistent à dissoudre l’Église catholique et à rompre son unité, en excitant entre les associations cultuelles la cupidité des biens matériels. Le débat, à la Chambre, avait déjà donné cette impression : elle a été confirmée, au Sénat, par le discours de M. Clémenceau. C’est là qu’est le danger de demain, danger pour l’Église sans doute, mais