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aussi pour l’État qu’on expose à de nouveaux et à d’incessans conflits, et surtout pour le pays auquel on promet la paix et la liberté religieuses, alors qu’on lui prépare le trouble, le schisme et la guerre. Mais qu’importe ? Tout cela, nous l’avons dit, ne deviendra manifeste qu’après les élections.


La crise politique qui couve en Angleterre depuis quelque temps a failli éclater, ces jours derniers, d’une manière non pas imprévue, mais soudaine. On pouvait tout prévoir du dissentiment profond qui existe entre M. Balfour, chef du cabinet, et M. Chamberlain que, pour emprunter une expression à notre langue parlementaire, nous appellerons un unioniste dissident. Les choses pouvaient continuer d’aller aussi longtemps que MM. Balfour et Chamberlain feraient semblant d’être d’accord sans l’être ; mais c’était une de ces situations dont le moindre incident devait révéler le malentendu, et l’incident vient de se produire avec l’éclat que M. Chamberlain met volontiers dans toutes ses manifestations. Il y a entre lui et M. Balfour opposition de caractères aussi bien que d’opinions. Il est véhément, impatient, emporté, tandis que l’autre est souple, enveloppé et fuyant. Tant qu’a vécu lord Salisbury et qu’il a exercé réellement le pouvoir, ces deux hommes, si différens, pouvaient se concilier en apparence sous l’influence d’une autorité supérieure, mais après lui, il était difficile qu’ils ne se brouillassent pas. Le premier conflit venu devait produire entre eux cet effet, et M. Chamberlain, qui s’est séparé autrefois si alertement de M. Gladstone, ne devait pas ménager beaucoup plus M. Balfour. Ce dernier est le chef du ministère ; mais il en était, lui, l’homme le plus agissant. Ils devaient fatalement se séparer. Ils l’ont fait sans rompre tout de suite et en sauvant les apparences ; mais le jour était proche où les apparences elles-mêmes seraient sacrifiées, et où se manifesterait la réalité des faits, des situations, des sentimens. On pouvait croire, toutefois que M. Chamberlain, après avoir repris son indépendance personnelle, attendrait les élections qui ne devaient plus tarder beaucoup, avant de soumettre au pays son programme à l’encontre de celui de M. Balfour. Il a préféré une rupture immédiate, qui devait rendre les situations plus nettes et les attitudes plus tranchées. C’est assez sa manière. Il a donc adressé une véritable provocation à M. Balfour. A partir de ce moment, les jours du ministère et de la Chambre étaient comptés, et même assez étroitement.

Voici l’occasion qu’a saisie, ou qu’a fait naître M. Chamberlain,