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un voyage à sparte.

les vieilles civilisations de l’Égypte, de la Chaldée, de l’Assyrie, et vingt siècles plus tard, de France, d’Espagne et de Venise. Mycènes est une Orientale abandonnée sur la plage de Grèce. Les Atrides, comme les Brienne, sont une forte famille de chefs déracinés.

Dans la même journée j’ai parcouru les pâles débris de Tyrinthe recouverts d’une exploitation agricole, sous laquelle je n’étais que trop disposé à les laisser dormir. C’est à peine si j’y trouvai le genre de curiosité que m’inspirent les ossemens d’un ichthyosaure.

Au résumé, dans la plaine verdoyante d’Argos, ces collines maudites et leurs mythes farouches semblent de la poésie asiatique éteinte, une suite d’anciens volcans.

Mille petites fleurs y frémissaient lors de ma visite à Mycènes ; et quand tout respirait la mort ; leur douceur en un tel lieu m’orienta soudain vers Iphigénie…

Toi seule, Iphigénie, tu gardes des couleurs sur la demeure des Atrides. Petite fleur jaune, avoine balancée sur cette lave refroidie…

Mais la vierge a quitté ce tertre où l’on ne peut pas vivre. Elle a gagné la mer, les vagues bruissantes, les pins ombreux de Tauride. Que ne puis-je la suivre dans ses voyages à la recherche de l’apaisement !



Sur les hautes falaises de Sébastopol, qui dominent une mer d’un bleu intense, M. Schlumberger a reconnu l’emplacement du temple où la vierge d’Argos fut la prêtresse d’Artémis. Un monastère de Saint-Georges occupe ce lieu charmant. Iphigénie n’est plus en Tauride. Gœthe l’a prise par la main pour la conduire au cœur de la Germanie et, sous un tel précepteur, celle qu’Eschyle compare à une chienne, devient une sorte de chanoinesse élevée dans l’admiration de Marc-Aurèle et des philosophes stoïciens.

Dans mes Vosges natales, dans ce canton de rêverie mi-germanique, mi-française, qui fut le paradis de mon enfance, un jour, j’ai rencontré la Grecque costumée en jeune dame allemande. Taine venait de l’asseoir sur nos roches druidiques. Bien que celles-ci soient assez pareilles aux pierres cyclopéennes