Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 30.djvu/745

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
739
un voyage à sparte.

frappa de son poignard dans l’aine, en même temps que le colonel Constantin lui tirait, à bout portant, un coup de pistolet dans la nuque.

On entendit deux explosions, c’est que Jean Garaïanis, lui aussi, avait tiré, mais sa balle se licha dans le portail.

Les deux gardes de Capo d’Istria s’élancent à son secours. Cozinis, le manchot, le reçoit sur son unique bras, mais le voit mort, et le jette roide à terre pour courir sus à Constantin. Celui-ci enfile la ruelle escarpée, vis-à-vis du portail de l’église. Au vol, le manchot lui loge une balle dans l’épaule droite. Les cris : « À l’assassin ! » gagnaient de toutes parts. Constantin tout saignant ne s’arrête pas de grimper. Il atteint le faîte de la montée et va descendre l’autre versant, quand la clameur fait bondir de son lit le vieux général souliote Fotorama, qui saisit au mur sa carabine toute chargée, court à sa fenêtre, voit et tire.

Le colonel roule par terre. Le manchot se jette dessus avec la meute des poursuivans.

Au milieu de cette curée arrive par hasard un piquet de soldats. Constantin, dit-on, les implora :

— Ô mes frères chrétiens, ne me martyrisez pas ; je ne suis pas le vrai coupable, laissez-moi vivre pour avouer la vérité…

Ils le traînèrent jusqu’au poste, mais d’une telle manière qu’il mourut en arrivant.

Cependant Dimitri, le garde régulier de Capo d’Istria, poursuivait le second assassin et ses deux policiers, le long de la rue, à droite, en sortant de l’église. Il leur tira dessus par deux fois, sans que son pistolet prît feu. Les fuyards se jetèrent dans la maison du colonel Valiano. Au premier étage habitait un bourgeois, Spiridion Kyparissi, né à Ithaque. Il a déposé en justice : J’entendis à l’étage supérieur, au deuxième, une voix effrayante. Le jeune Mavromichalis, son pistolet à la main, menaçait tous les locataires qui, en caleçons, voire en chemise, bondissaient de leurs lits. Il criait : « Valiano, nous l’avons assassiné. — Qui ? — Ce f… président. Vous devez tous sortir de la maison. » Il courait dans la chambre comme un forcené, et tandis qu’un de ses gardes redescendait l’escalier pour s’assurer de la porte, il calfeutrait les fenêtres avec les coussins du divan, car déjà, du dehors, on menaçait de tirer.