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des difficultés extérieures : le Maroc n’est pas, comme Madagascar ou le Dahomey, éloigné des centres de l’activité européenne ; il est à cheval sur la Méditerranée et l’Océan ; ses côtes s’étendent en face de l’Espagne et de Gibraltar et commandent un détroit à la liberté duquel toutes les puissances sont intéressées ; en étendant la main sur un morceau de cette importance, nous risquions de provoquer des protestations, de soulever des difficultés qui n’auraient peut-être pas été insurmontables, mais que nos hommes d’Etat ne se sentaient pas en mesure d’affronter. A défaut d’autres raisons, la nature de notre gouvernement parlementaire et les crises intérieures par lesquelles nous sommes passés, en ces dernières années, ne nous permettaient pas de recourir à la « manière forte ; » les inspirateurs de la majorité parlementaire redoutaient, plus qu’une humiliation nationale, une action dans laquelle serait intervenue l’armée ; ils craignaient par-dessus tout que l’ardeur des chefs militaires n’entraînât la France, malgré ses députés, dans des aventures belliqueuses ; ils ne se lassaient pas de protester par avance contre toute politique qui pourrait aboutir à l’emploi de la force ; non seulement ils ont rendu irréalisable toute velléité d’intervention militaire, mais encore la crainte de leurs colères a grandement contribué à l’échec final de la « pénétration pacifique. »

Du moment où ni le Parlement, ni l’opinion publique n’étaient disposés à soutenir une action brusquée au Maroc, ni le gouvernement à en prendre l’initiative, restait l’autre méthode, selle que l’on a appelée « la pénétration pacifique. » Le programme de « la pénétration pacifique » comportait trois points : d’abord, une campagne diplomatique ; le ministre des Affaires étrangères s’adresserait successivement à toutes les grandes puissances et négocierait avec elles en vue d’obtenir, à certaines conditions, sa liberté d’action au Maroc. En même temps, on agirait auprès du Sultan jusqu’à ce qu’on l’eût persuadé des bienfaits que la suprématie française ne manquerait pas de lui apporter et finalement amené à accepter la collaboration de la-France dans le gouvernement de son empire : ce serait le second article du programme. Viendrait enfin, comme suite à cette double négociation, « la pénétration pacifique » proprement dite, c’est-à-dire la collaboration de, la France avec le gouvernement marocain pour la réorganisation des grands services publics, le développement de l’activité économique,