c’est en sa qualité de puissance algérienne. L’importance de son commerce ne la mettrait qu’à son rang parmi les autres États qui font des affaires au Maroc ; c’est sa longue frontière commune qui lui crée, à elle seule, des intérêts spéciaux et qui l’oblige à « veiller à la tranquillité dans ce pays, à lui prêter son assistance pour toutes les réformes administratives, économiques, financières et militaires dont il a besoin[1] ; » c’est elle aussi qui lui assure des moyens d’action particuliers. Pour justifier les droits qu’elle revendique, la France, au Maroc, doit donc agir d’abord comme puissance africaine et comme puissance musulmane. Cette politique, nous avons commencé à l’appliquer pendant les mois où M. Paul Révoil, comme ministre de France à Tanger d’abord, comme gouverneur de l’Algérie ensuite, en a donné la formule et l’exemple ; elle peut être définie en quelques mots : elle repose sur la collaboration de la France algérienne avec le gouvernement marocain, collaboration qui, entre deux États de puissance aussi inégale, ne peut manquer d’aboutir à l’hégémonie du plus fort. Cette méthode, nous l’avons expérimentée d’abord dans la région frontière ; au lieu de préciser une limite dans ces contrées « où la terre ne se laboure pas, » nous nous sommes appliqués à conserver une zone de Marches dans laquelle nous exercerions, sans violer le traité de 1845 et sans porter atteinte à la souveraineté du Sultan, une influence dont le rayonnement s’étendrait de proche en proche à toutes les tribus du voisinage. C’est dans cet esprit que furent conclus à Paris, entre M. Delcassé et Sidi-Mohammed-el-Guebbas, les accords du 20 juillet 1901, complétés, l’année suivante (20 avril), par deux autres « accords » qui prévoyaient et réglaient l’action commune des deux gouvernemens. Une série de marchés devaient être ouverts le long de la frontière ; ils serviraient à attirer les tribus par l’appât du gain et le besoin des échanges et à les apprivoiser peu à peu ; plusieurs, parmi elles, comme les Beni-Guil, les Doui-Menia, les Oulad-Djerir, étaient reconnues par le Sultan comme devant relever de l’Algérie. Des troupes marocaines, organisées et commandées par des officiers français, seraient employées à veiller à la sécurité de la zone frontière ; c’est elles qui, à Figuig, seraient chargées de rétablir l’autorité de Vamel du Sultan. Dans les régions montagneuses, comme le
- ↑ Ce sont les termes de l’accord franco-anglais du 8 avril 1904.