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Beni-Smir, des postes français devaient être établis pour prévenir les incidens de frontière et arrêter les djich de pillards ; ils ne tarderaient pas à devenir des foyers d’influence française. Le chemin de fer d’Aïn-Sefra à Beni-Ounif serait prolongé sur Becharet Kenadsa.

Tel était le programme dont les « accords Révoil-Guebbas, » — c’est ainsi qu’on les appelle généralement parce qu’ils ont été conclus sous l’inspiration de M. Révoil, — traçaient les grandes lignes : non seulement, s’il avait été appliqué avec esprit de suite, il aurait abouti à la pacification définitive de la région frontière et à une extension considérable de l’influence française ; mais surtout, en exerçant ainsi, peu à peu, dans les Marches algéro-marocaines, l’influence pacifiante de notre sentiment de la justice, de notre puissance militaire et de notre activité commerciale, nous aurions prouvé au Sultan, mieux que par des démonstrations verbales, la valeur bienfaisante de notre amitié, nous lui aurions montré par quels procédés et pour quel objet s’exerce l’action de la France. Mais, à cette tâche, les médecins et les maîtres d’école, si utiles qu’ils puissent être, ne pouvaient suffire ; pour éviter de faire usage de la force, en un pareil pays, encore faut-il savoir, de temps en temps, la montrer ; pour n’avoir pas un jour à frapper, il fallait peser, de tout le poids de l’Algérie organisée, sur le Maroc inorganique : une activité à la fois bienfaisante et menaçante aux frontières aurait prévenu ou aplani bien des difficultés à Fez ou à Marrakech.

En même temps que nous aurions agi dans la région des Marches, nous ne devions pas négliger de poursuivre la « pénétration pacifique » sur les côtes et à l’intérieur du Maroc : toutes les initiatives utiles devaient être encouragées et soutenues, qu’elles vinssent d’explorateurs, de savans, de négocians ou de prospecteurs ; il fallait, comme la Chambre des députés l’avait demandé, envoyer dans les ports et dans les grands centres des médecins français pour y ouvrir des dispensaires ; par l’intermédiaire de nos Algériens musulmans et de nos protégés les chérifs d’Ouazzan, nous pouvions rallier à notre cause des marabouts influens, des membres des grandes congrégations ; de toutes parts des concours s’offraient discrètement à nous : aucun n’était à dédaigner ; même dans l’entourage du Sultan, parmi les caïds influens, chez les ulémas et jusque dans les tribus insoumises,