nous pouvions nous faire des amis, grouper autour de nous une clientèle et, en sachant au besoin utiliser des fonds secrets, nous assurer des fidélités précieuses. Voilà quelques-uns des multiples moyens dont l’emploi simultané nous aurait conduits, peu à peu et sans éclat, au but : la France prépondérante dans un Maroc indépendant. Ainsi comprise, la « pénétration pacifique » n’était pas une illusion dangereuse ; elle était une réalité féconde.
Le traité le plus avantageux, surtout lorsqu’il s’agit d’entreprises coloniales, n’est rien qu’un papier à classer dans les archives, si l’on n’en sait pas faire sortir tous les avantages qu’il comporte. Les accords de 1901 et de 1902 étaient conçus dans le meilleur esprit ; il en découlait tout un programme dont le gouvernement paraissait avoir compris l’opportunité ; mais on avait compté sans l’instabilité de notre régime politique : au moment même où, comme gouverneur général de l’Algérie, M. Révoil commençait à appliquer les accords conclus par lui et à tirer profit des relations cordiales qu’il avait su nouer avec Guebbas, il fut sacrifié à des rancunes politiques, la veille même du jour où il devait accompagner en Algérie le président de la République.
Nous avons raconté ici, en son temps, comment le châtiment de Figuig, qui n’était pas inconciliable avec la méthode de « pénétration pacifique, » s’il avait été exécuté avec moins d’ostentation et avec une participation plus effective des autorités marocaines, parut au contraire un démenti à la politique des « accords » suivie par M. Révoil, et comment aussi le nouveau gouverneur, M. Jonnart, après ce grand éclat, revint peu à peu, dans le Sud-Oranais, à la méthode de son prédécesseur. Avec le général Lyautey, un de ces soldats « coloniaux » qui savent être des pacificateurs et allier à l’esprit d’organisation la vigueur de l’exécution, la région frontière a retrouvé la stabilité et la paix ; plusieurs promenades militaires, le châtiment de quelques bandes de pillards, la création, pour la protection de la frontière, de trois postes permanens à Berghent (Ras-el-Aïn), à Forlhasia et à Colomb-Bechar, où des colonnes volantes sont toujours prêtes à se mettre en marche, l’ouverture de marchés et de dispensaires médicaux, ont à peu près achevé de nous rallier les tribus sur lesquelles les « accords » de 1901 et de 1902 ! nous reconnaissent pleine juridiction, et de faire rayonner l’influence