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l’accord du 8 juillet et à se demander s’il ne cherchait pas à pousser à bout la patience de nos négociateurs et à décourager leurs dispositions conciliantes. Les rôles, dès lors, se trouvaient intervertis ; c’était nous, désormais, qui étions fondés à nous plaindre des procédés d’une diplomatie qui, tandis qu’elle négociait à Paris, prenait des gages à Fez.

L’arrestation, au Maroc, d’un protégé algérien, Bou-Mzian, survenue sur ces entrefaites, augmentait encore l’inquiétude, en France, en menaçant de faire naître un conflit aigu avec le Sultan. Allions-nous être obligés, au moment où le malaise diplomatique était Je plus grave en Europe, de recourir à la force pour obtenir du Sultan la satisfaction à laquelle nous ne pouvions renoncer sans la plus grave des humiliations ? On put éviter, heureusement, d’en venir à ces extrémités : Mouley-abd-el-Aziz céda, mit en liberté notre protégé et lui accorda une indemnité suffisante. Le bruit courut qu’en cette circonstance le comte de Tattenbach s’était employé auprès du Sultan pour lui déconseiller la résistance : les journaux allemands en profitèrent pour insister lourdement sur le bon office qu’à les en croire le ministre allemand rendait en cette circonstance à son collègue français et réussirent presque à transformer en une offense ce qui aurait pu être en effet un procédé courtois. D’ailleurs, il faut le dire, durant toute cette crise, le ton agressif, les exigences lointaines de la plupart des journaux allemands contribuèrent à entretenir en France une incertitude pénible sur les intentions réelles du gouvernement de l’Empereur.

L’arrivée à Paris du docteur Rosen, chargé de négocier avec M. Révoil (6 septembre), fut interprétée en France comme un signe de la bonne volonté du cabinet de Berlin d’aboutir à un accord ; les pourparlers continuèrent, mais ils restèrent laborieux et décevans ; il fallut toute l’évidente bonne foi de M. Rouvier, son énergie heureusement secondée par la dialectique souple et par la compétence spéciale de M. Révoil, pour arriver enfin à l’accord du 28 septembre. On affirme aussi, et le fait est vraisemblable, que le passage, à Paris et à Berlin, du comte Witte ne fut pas étranger à l’entente.

Le « protocole d’entente » du 28 septembre a heureusement manifesté une volonté commune de ne pas rompre les négociations ; mais il n’était pas encore complètement rassurant pour les