militaire. « Si Vigny est un poète philosophe de premier ordre, si ses romans, ses œuvres dramatiques portent à leur tour la trace des pensées les plus profondes et les plus originales, si son style encore présente les véritables qualités de l’auteur classique, tout l’honneur en revient à l’esprit militaire. » Trop est trop, mon capitaine ! Votre point de départ était juste et vos intentions sont les meilleures du monde, mais comment voulez-vous qu’on accepte, sans toute sorte de réserves, des conclusions aussi guerrières ? Voici une thèse, souvent paradoxale, mais très suggestive, où M. Emmanuel Barat, étudiant le Style poétique et la révolution romantique[1], dénonce l’emploi systématique de la métaphore comme la grande erreur des romantiques. « Champions de la nature et de la vérité, ils eurent raison, certes, de défendre les droits de l’imagination ;… mais sous ces grands mots imaginer, inventer, créer, ils eurent le tort de confondre les illusions sincères et belles de la fantaisie, de l’émotion, du merveilleux, avec le métaphorisme et la mythologie, instrumens d’erreurs voulues. Et la liberté enfin conquise ne leur servit parfois qu’à pousser jusqu’au plus intolérable excès l’abus d’une poétique périmée. » Et naguère M. Urbain Mengin, dans son livre sur l’Italie des romantiques[2], recherchait dans quelle mesure l’Italie a été une initiatrice pour les écrivains du XIXe siècle. — À notre tour nous tâcherons d’indiquer dans la formation intellectuelle de Lamartine, de Hugo, de Vigny, les premiers de nos poètes modernes par la date comme par le mérite, quelques élémens qui leur sont communs et qui n’avaient pas contribué à former l’esprit de leurs prédécesseurs, dans leur vie quelques circonstances qui expliquent qu’ils se soient détachés de l’idéal traditionnel pour se développer dans un sens nouveau. Nous nous demanderons comment, dans leurs premières œuvres, s’annonce le romantisme qui n’y est encore qu’à l’état de tendance, mais qui ne doit plus tarder à prévaloir.
Le premier trait qui nous frappe est qu’eux tous, ils ont été très médiocrement pourvus de culture classique. Venus à une époque où l’enseignement avait été complètement et pour longtemps désorganisé, et confiés à des maîtres de hasard, ils trouvèrent à l’école le dégoût des choses mêmes qu’ils y devaient apprendre. Lamartine a tracé de la pension Pupier, où on le mit, à Lyon, un tableau qu’on sent violemment poussé à la caricature : il n’est guère vraisemblable que cette