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un voyage à sparte.

Nous revînmes dans un café de Sparte, et mon juge interrogea ses compagnons de manille pour savoir où se trouvait la tombe de Léonidas. Bien que ce fût l’heure du brouet, ils me conduisirent en troupe derrière une haie, dans une sorte de jardin, et me dirent :

— C’est là.

On ne trouve rien d’authentique sur les monticules onduleux de Sparte. Qu’est devenue la stèle, près du tombeau de Léonidas, où les enfans épelaient les noms des Trois cents morts aux Thermopyles ? Et cette Vénus de Cèdre, assise, la tête voilée et les pieds enchaînés, symbole des vertus domestiques ? Et la Diane dérobée en Tauride par Iphigénie, devant laquelle on fouettait les éphèbes ?… Mais peut-être les pierres de mémoire élargissent-elles en tombant le culte qu’elles commémoraient. La plaine tout entière devient un monument aux héros. Ce soir, l’horizon, l’histoire et ma chétive pensée font un accord inoubliable. Le soleil a disparu derrière le Taygète, les splendeurs sensibles s’éteignent et cèdent à la fièvre, que je m’enivre encore de la vallée de Sparte.

C’est possible qu’en tous lieux la nature révèle un Dieu, mais je ne puis entendre son hymne que sur la tombe des grands hommes.


XVI. — LES MATINÉES CLASSIQUES DE SPARTE


Mes yeux et mon cœur sont neufs ce matin. C’est que je respire l’air qui caressa la beauté d’Hélène.

Ce matin, je me promène avec mon compatriote, l’harmonieux Claude Gellée. Il m’enseigne l’amour des époques primitives et me fait reconnaître, au Nord, sur les horizons d’Arcadie, le séjour des personnages fabuleux.

Par une telle matinée, sur l’Eurotas, navigua le cygne fou d’amour qu’au Bargello florentin, Michel-Ange conduit jusqu’au cœur de Léda. Délégué des rives de Sparte, l’oiseau assaille la reine pour que, de leur transport, une vierge naisse, qui passe en éclat le ciel et la nation de Laconie.

Ces platanes qui frissonnent sont les petits-neveux du platane touffu où les amies d’Hélène suspendirent, le soir du mariage, un chapeau de fleurs odorantes. Douze vierges de haute taille, les premières de la ville, et la chevelure mêlée d’hyacinthes