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eurent le mérite de cette conversion, furent les ingénieurs qui, sur des programmes issus du Conseil des travaux, avaient autrefois produit les pires chavirables de nos cuirassés. Entrés à leur tour au Conseil, ils donnèrent un bel exemple de probité professionnelle. Grâce à eux, le Conseil sentit passer de nouveau le souffle intermittent qui l’avait animé en 1872.

Un projet conforme aux études de mars 1892 et d’avril 1896 sous le rapport du système de protection, du déplacement, etc., un peu différent comme vitesse et comme disposition de l’artillerie moyenne, présentant l’épaisseur de cuirasse de trente centimètres, à laquelle l’Amirauté anglaise s’est ralliée l’an dernier, fut demandé par le ministre à la section technique, le 5 mai 1898. La préparation des plans fut menée rondement. Elle prit en tout cent jours de travail, plus vingt-cinq employés à des discussions préliminaires, et à de petites retouches résultant de modifications au programme initial.

En dépit de tout le temps perdu depuis l’année 1890, nous pouvions encore arriver en assez bon rang. L’Angleterre, à la vérité, et par circonstance le Japon à sa suite, avaient pris sur nous une avance de près de cinq ans ; mais la marine anglaise n’est plus, comme il y a trente ans, la seule avec qui nous ayons à compter. Les États-Unis devaient tâtonner encore, avant d’aboutir au type Louisiana. L’Allemagne ne devait adopter qu’en 1901 la disposition du Majestic, sur ses dix cuirassés de treize mille tonnes du type Braunschweig. La Russie devait rester plus en arrière encore. L’Italie avait bien devancé tous les autres pays, Angleterre comprise ; mais la disposition du Sardegna, parfaite pour la protection des parties vitales, garantissait insuffisamment la stabilité ; le défaut de hauteur de la ceinture et de la tranche cellulaire s’était encore accentué, par suite d’une forte surcharge.

Notre situation était d’ailleurs avantageuse à quelques égards. En premier lieu, l’étude du nouveau système défensif, reprise à six ou huit fois pour les cuirassés, appliquée et expérimentée sur plusieurs séries de croiseurs depuis 1872, nous met- tait à labri des erreurs ou des imperfections initiales dont les autres marines ne se sont affranchies que progressivement. La protection était aussi bien assurée aux extrémités du navire qu’à la région centrale, ce qui mettait à l’abri des changemens d’assiette tels que celui du Mikaça, plongeant de près de deux mètres