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demandée, soit à sa grande hauteur, soit à sa grande largeur. Une circonstance très remarquable est la nécessité d’associer ensemble deux dimensions transversales, l’une très grande, l’autre très petite. La combinaison d’une hauteur moyenne de caisson avec une largeur moyenne aurait les conséquences les plus fâcheuses sur le roulis, et celle d’une hauteur et d’une largeur grandes toutes deux serait pire encore, au même point de vue. Quant à la combinaison d’une faible hauteur et d’une faible largeur, elle doit être écartée a priori : c’est celle qui a donné les cuirassés chavirables.

Le caisson étroit et haut conduit au cuirassé-croiseur, genre Patrie, Majestic, Mikaça, Louisiana, Braunschweig, etc. Le caisson large et bas conduit au cuirassé-monitor genre Henri IV.

Ces deux appellations de cuirassé-croiseur et de cuirassé-monitor ont été imaginées principalement pour caractériser les deux différentes manières de réaliser une même qualité, celle de ne pas chavirer trop facilement. Elles ont donné lieu à des interprétations singulièrement erronées. On a cru voir annoncer, par le nom des cuirassés-croiseurs, l’apparition d’une classe intermédiaire de navires, augmentant la série déjà trop nombreuse de nos modèles. En réalité, la Patrie n’est pas plus un croiseur que ne le sont ses prédécesseurs plus chavirables ; elle ne l’est pas plus que le Henri IV, actuel ou agrandi, n’est un monitor ou un garde-côtes.

Aussi bien la question importante n’est-elle pas dans le choix des noms, mais dans le choix même du modèle, sur lequel on peut hésiter. Le problème ne date pas d’hier ; il s’est présenté en Angleterre, il y a trente-cinq ans, lorsque sir Edward Reed, après avoir construit l’Hercules, proposa la Dévastation. Le premier lord de l’amirauté était alors M. Goschen, depuis comte Goschen, un homme de caractère et de décision, comme il nous est aussi arrivé d’en trouver pour ministres ; il raconte volontiers l’animosité des deux camps égaux entre lesquels la marine se partagea, et l’hésitation qu’il éprouva un instant, avant de prendre la résolution d’approuver les plans, qu’il n’a pas regrettée. En France, l’opinion a été, au début, plus franchement hostile au Henri IV ; mais les raisons en faveur de l’adoption étaient plus fortes. Le modèle du Henri IV est évidemment beaucoup plus marin que celui de son devancier la Dévastation ; il présente d’ailleurs des défauts certains, en regard de ses avantages évidens.