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ou que plus vraisemblablement ce fût le goût des lettres qui lui élevât le courage, » il s’enfuit de l’atelier et vint à Paris, sans autre ressource que l’adresse d’une vieille parente et celle d’un ami du chanoine de Noyon. Après avoir étudié au collège du Plessis et au collège Mazarin, il fut distingué par M. de Nointel, qui allait en ambassade à Constantinople. Galland fit avec cet ambassadeur un voyage dans le Levant, dont il nous a donné le Journal ; il s’y occupa, en dehors de ses recherches scientifiques, d’une question qui fut remise en honneur de nos jours, sous le dernier Pontificat : celle de la foi des Eglises chrétiennes orientales. Ensuite, Galland voyagea pour la Compagnie des Indes et pour Colbert, dont il enrichit le cabinet et la bibliothèque. Revenu à Paris, il y mena une vie laborieuse, occupé à la publication des Mille et une Nuits et à beaucoup d’autres travaux portant aussi bien sur les littératures classiques que sur les littératures orientales, entre autres une traduction du Coran, une histoire générale des empereurs turcs, l’achèvement de la « Bibliothèque orientale » de d’Herbelot. Il mourut le 17 février 1715.

Les Mille et une Nuits parurent de 1704 à 1708. Elles obtinrent un grand succès populaire ; mais elles furent en général peu appréciées des lettrés au moment de leur apparition, et même, — pendant tout le courant du XVIIIe siècle, — si ce n’est par Montesquieu, Fréron, La Harpe et un petit nombre d’autres, il est probable qu’elles furent trouvées longues, et que le merveilleux et les mœurs en parurent trop éloignés des goûts de cette époque. En 1829 encore, l’orientaliste Silvestre de Sacy, qui a consacré à cet ouvrage de savans mémoires, témoigne qu’il les apprécie peu. Voltaire mentionne Galland et les Nuits à la fin du Siècle de Louis XIV en trois lignes un peu sèches : « Antoine Galland... traduisit une partie des contes arabes qu’on connaît sous le titre des Mille et une Nuits ; il y mit beaucoup du sien : c’est un des livres les plus connus en Europe ; il est amusant pour toutes les nations. »

L’affirmation de Voltaire que Galland mit « beaucoup du sien » dans les Nuits est excessive. Sans doute, l’œuvre de Galland est plutôt une adaptation qu’une traduction ; l’habitude de la traduction littérale pour des œuvres éloignées du goût classique est assez récente. Dans la première moitié du XIXe siècle, Silvestre de Sacy, qui pourtant était à la fois un des meilleurs