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disponibles. Les fonctions d’instituteur ont cessé d’être briguées : l’élan des vocations pédagogiques s’est brusquement arrêté.

« On peut craindre, écrivait dès 1889 le directeur départemental de l’enseignement primaire du Nord, que l’obligation militaire ne soit le ver rongeur de ces vocations. » L’anxiété fut justifiée par l’événement : l’école normale perdit un peu de son prestige lorsqu’elle n’assura plus, à l’endroit du service militaire, aucune immunité ; et la loi de 1889 sur le recrutement, dont certains avaient auguré qu’elle viderait les séminaires, contribua surtout, et d’une façon plus irréparable, au dépeuplement des écoles normales.

On a fait de louables efforts pour assigner à ce dépeuplement d’autres causes : on a parlé de l’esprit de mécontentement et d’aigreur, qui soulève une grande partie du personnel scolaire contre la modicité des traitemens ; on a fait valoir l’attrait de certaines occupations commerciales et industrielles, auxquelles l’enseignement primaire supérieur prépare avec fruit ; on a constaté les difficultés qu’éprouvent beaucoup de jeunes gens pour s’assurer le brevet de capacité, requis depuis l’année 1887 à l’entrée de l’école normale. Ce sont là des observations exactes ; elles concourent, toutes ensemble, à expliquer le fléchissement des vocations pédagogiques ; mais la cause essentielle de ce fléchissement, ce fut la mesure qui mit sur le dos de l’instituteur, comme sur le dos du prêtre et de tous les autres Français, un sac de soldat.

Tout de suite la loi militaire fut, comme la loi scolaire, qualifiée d’intangible ; mais l’ironie de la destinée voulut que ces deux chartes augustes se nuisissent entre elles ; l’une requérait une élite d’instituteurs, et l’autre décimait les candidats aux écoles normales. Une loi nouvelle régit aujourd’hui le recrutement de l’armée ; elle aggravera encore, selon toute vraisemblance, la disette dont souffrent ces écoles. Les alarmes grandissent, et, pour les rassurer, M. Aulard ne voit qu’un remède : le l’établissement, en faveur de nos instituteurs, de l’exemption du service militaire.


C’est l’idée que leurs fils ne seraient pas soldats, écrit-il, qui décidait beaucoup de parens à les tourner vers le pénible métier d’instituteurs. Maintenant qu’ils devront faire deux ans de service, comme tout le monde, ces vocations disparaîtront presque toutes, et on ne pourra plus recruter les écoles normales.