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sont le moins recherchées : en Belgique, il y a un élève-maître pour 1 962 habitans ; aux Etats-Unis, 1 pour 1 837 ; en Prusse, 1 pour 2 797 ; en Autriche, 1 pour 3 603, mais dans notre France, la proportion du chiffre des élèves-maîtres au chiffre de la population est seulement de 1 à 4 484. L’indifférence des jeunes gens pour les écoles normales a donné lieu, dans certains départemens, à des monographies très instructives : nous croyons intéressant de résumer ici l’une d’entre elles.

Il y avait en 1885, dans le Jura, 60 à 70 candidats à l’école normale ; en 1891, le nombre baissait à 12 ; depuis lors, il s’est relevé, et oscille entre 20 et 30. Ce département possède trois écoles primaires supérieures de garçons, qui comptent de 200 à 250 élèves ; il possède, par surcroît, six ou sept cours complémentaires : les jeunes hommes qui voudraient pousser assez loin leurs études primaires pour être dignes d’entrer à l’école normale ont donc à leur disposition de nombreux moyens de s’instruire. Mais les bonnes volontés paraissent manquer ; et si l’on compte sur les instituteurs pour ramener sur le chemin de l’école normale l’élite de leurs jeunes élèves, on s’expose à de poignans déboires. Autrefois, dans la période d’enthousiasme qui suivit la promulgation des lois scolaires, l’instituteur consacrait volontiers ses veilles à la formation intellectuelle d’un écolier de choix ; il cultivait certains esprits en vue de l’école normale, comme le prêtre, en face, cultivait certaines âmes en vue du petit séminaire ; avec un dévouement qui défiait toute lassitude, il travaillait à augmenter cette grande famille pédagogique à laquelle sa fierté aimait à se rattacher. Aujourd’hui notre personnel scolaire s’est peu à peu désintéressé du recrutement des écoles normales ; à voir une telle inertie, on croirait être en présence d’une de ces familles découragées et déchues, qui n’ont plus la force de prendre soin du lendemain. La tiédeur et l’insouciance parurent gagner les pouvoirs publics eux-mêmes ; on diminua le chiffre des promotions de normaliens ; lorsque, par exemple, le conseil départemental du Jura fixait à 17 le nombre des élèves-maîtres à admettre, le ministère, par raison d’économie, n’en acceptait que 12. A l’heure présente, dans l’ensemble de la France, on compte 300 normaliens de moins qu’il y a vingt ans ; et, malgré cette diminution volontaire des effectifs annuels, il y a des régions où le nombre des candidats sérieux à l’école normale primaire demeure au-dessous du nombre de places