Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 31.djvu/205

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

aux intérêts ou aux caprices personnels du « prolétariat primaire » la politique générale du pays.

Pour que les couches nouvelles du personnel primaire fussent satisfaites, il faudrait, paraît-il, que la République dépensât pour elles, chaque année, quarante-quatre millions huit cent mille francs de plus. À ce prix, les Amicales redeviendraient très sages ; les écoles normales seraient plus estimées des jeunes gens ; et les instituteurs, reprenant goût à leur métier, préférant à la visite de la Bourse du travail la conversation de leurs collègues plus anciens, leur demanderaient par quelles ingénieuses industries ils savaient faire aimer aux enfans l’école primaire. Ainsi les Amicales elles-mêmes, dans leur projet pour le relèvement des traitemens, ont souverainement déterminé le nouveau sacrifice, qui doit achever de grever le contribuable français.

Or, l’année dernière, le Parlement votait la laïcisation totale de l’enseignement congréganiste privé ; il jetait dans les bras de l’Etat, à bref délai, 1 600 000 enfans élevés dans les écoles congréganistes. On avait l’espoir, — et on le garde, — que 800 000 de ces enfans pourraient être reçus, sans dépenses nouvelles, dans les écoles existantes ; on s’obligeait à l’avance, d’un cœur léger, à construire des maisons scolaires et à recruter des maîtres pour les 800 000 autres enfans. Les frais ainsi prévus s’évaluent à 56 francs, annuellement, par tête d’écolier. En une simple multiplication, l’on arrive à constater que l’application de cette loi nouvelle coûtera, annuellement, quarante-quatre millions huit cent mille francs. C’est exactement la somme que réclament les Amicales pour la consolidation de l’édifice scolaire existant.

Cet édifice branlait : il y avait des fondemens à affermir, des lézardes à réparer. M. Joseph Chaumié, ministre de M. Combes, engagea le crédit des contribuables, — budget national et budgets communaux, — pour la somme même à laquelle les Amicales évaluaient les frais de remise en état ; mais il aima mieux affecter cette somme à la destruction de l’édifice scolaire voisin. La profession d’instituteur est désertée : faute de maîtres, il y avait, en 1902, 7 456 classes qui renfermaient plus de cinquante ou même plus de cent élèves ; et M. Massé, député radical de la Nièvre, rapporteur actuel du budget de l’instruction publique, annonçait l’autre jour, officiellement, que le chiffre des candidats aux écoles normales, au lendemain de la nouvelle loi militaire, allait encore diminuer. La préparation de nos instituteurs