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Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 31.djvu/21

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un voyage à sparte.


la fortune… Cassandre est toujours violée sur les autels. Le cygne assaille Léda. Les jeunes filles du Platanistas chantent à la jeune épouse enfermée avec son époux un éternel épithalame. C’est ce soir que, dans Gythéion, Pâris va posséder Hélène.


XIX. — HÉLÈNE AU MUSÉE DE SPARTE


Dans le pauvre musée de Sparte, sur un grand nombre de bas-reliefs, on voit les Dioscures. Le plus souvent ils tiennent leurs chevaux par la bride. Parfois, ils sont debout, nus, avec des bonnets de magiciens. Ils s’appuient sur leurs lances. Entre les deux se tient leur sœur Hélène, coiffée d’un polo évasé, raide, dans l’attitude d’une idole archaïque. À ses mains, sont-ce des joyaux ? est-ce une chaîne brisée ? Triste entre ces deux hommes, inintelligible et peut-être bornée, elle m’envoie de ce fond des âges mille émotions de tristesse, de crainte et de désir.

La voici donc, petite barque, avant qu’elle entrât sur la mer profonde…

Cette Hélène enfermée dans sa gaine d’Asie, c’est la fleur du magnolia, close encore et qui doit, à l’aube prochaine, en s’épanouissant, transfigurer son tulipier. Mais cette rude Hélène du musée contient mieux que les couleurs et les parfums d’un merveilleux arbre de roses. Depuis les remparts de Troie, elle a vu les combats dont elle était le prix. Quel silence ! Quel regard lointain ! Les arêtes du Taygète et ses entablemens guerriers jettent leur ombre sur cette Hélène primitive.

Bien qu’elle touche partout les cœurs, ne croyez pas que la Tyndaride soit de tous les paysages. Elle naquit de cette vallée, de l’Eurotas et du Taygète. En vain, à travers les âges mène-t-elle sa grande aventure, sa légende garde la forme de ces modèles inoubliables, et sa volupté n’a tout son empire que dans un voisinage héroïque.

Après qu’Hélène eut couru le monde, Gœthe l’a saisie dans ses bras, et sur l’horizon de Sparte le vieux prophète a voulu la rapatrier. Il n’a pas dit expressément qu’il situait son sublime épisode dans le château des Villehardouin, mais nul ne s’y trompera : ce burg doré, à l’occident de la plaine, sur les contreforts du Taygète, c’est le poème de Gœthe, dominant comme une couronne les ruines de Mystra.