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Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 31.djvu/235

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Mais on les discute préventivement avec beaucoup d’ardeur, et les radicaux-socialistes sont, depuis plusieurs semaines, entrés en campagne contre l’an d’eux avec toute l’énergie, toute la passion, toute la violence dont ils sont capables.

Celui qui excite à ce point leurs colères est M, Doumer. Au mois de janvier dernier, ils ont été complètement décontenancés par son élection à la présidence de la Chambre, élection très inattendue, car M. Henri Brisson était depuis le commencement de la législature en possession du fauteuil, et il le remplissait, au point de vue professionnel, avec correction et autorité. Il a suffi à M. Doumer de se présenter contre M. Brisson pour le renverser. Son succès a jeté un désarroi d’autant plus grand dans le clan radical-socialiste, qu’il a été bientôt suivi de la chute de M. Combes : il était impossible de ne pas voir entre les deux faits quelque relation de cause à effet. Nous devons, au moins en partie, à l’heureuse audace de M. Doumer le premier ébranlement du bloc et la débâcle du ministère qui avait été l’exécuteur docile de ses hautes œuvres. À partir de ce moment, il est devenu, qu’on nous passe le mot, la bête noire des radicaux-socialistes, tandis que les modérés et les libéraux, oubliant ses origines radicales, commençaient à tourner et à se grouper autour de lui. Il était devenu à leurs yeux l’homme qui ose et qui réussit. Nous reconnaissons volontiers ses qualités et assurément il a été bien servi par elles, mais il ne l’a pas été moins par les circonstances et aussi, et surtout, par les fautes que ses adversaires ont merveilleusement accumulées. Entre autres mérites, M. Doumer a celui d’être patriote comme on l’était autrefois, simplement et bravement. Il aime l’armée, il y voit comme nous-même la sauvegarde de la patrie. Un grand nombre de Français, qui n’ont pas partagé toutes ses opinions politiques, lui savent gré de le penser et de le dire. En d’autres temps, on y aurait fait moins d’attention : mais nous avons assisté depuis quelques années à une campagne d’anti-patriotisme et d’anti-militarisme qui a profondément alarmé et indigné les hommes prévoyans, et qui a fini par produire le même effet sur beaucoup d’autres à la lumière de certains événemens récens. Le patriotisme. Dieu merci ! est redevenu à l’ordre du jour, et M. Doumer en a bénéficié. Les radicaux-socialistes, les hommes du bloc, M. Combes, ses amis, ses ministres, voyant le danger s’accroître pour eux, n’ont pas tardé à en perdre la tête. Que faire pour conjurer le destin qui les menaçait ? Les jacobins de tous les temps ont toujours pris en pareil cas des mesures d’exception. Ils ont donc monté une machine de guerre