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ont dirigées contre ce dernier : ce n’est pas avec ces armes-là qu’on lui fera grand mal. Désigner M. Doumer comme l’homme capable d’introduire un changement considérable dans le fonctionnement de la République et dans les mœurs des républicains est lui faire, au contraire, un grand bien. On est tellement excédé, écœuré, dégoûté de tout ce qui s’est passé depuis quelque temps et de tout ce qui se passe encore ; le mécontentement est si profond et si général ; le désir de voir mieux, ou même, pour ne pas être trop exigeant, de voir autre chose est devenu si impérieux, que l’homme qui incarnera ou dans lequel on incarnera la réalisation possible de toutes ces espérances verra de plus en plus la foule accourir à lui. Les radicaux-socialistes ne se contentent pas d’exalter M. Doumer ; ils écrasent M. Fallières sous le pavé de l’ours en lui décochant M. Pelletan et M. André comme gardes du corps. Sans doute M. Fallières en gémit ; mais on commence à être las des gens qui gémissent au lieu de se défendre, et on se demande s’ils seraient à même de nous défendre nous-mêmes en cas de besoin. Tout cela, il faut bien le dire, fait singulièrement les affaires de M. Doumer.

Nous nous bornons d’ailleurs à exposer la situation, sans conclure encore. Les choses peuvent changer, les attitudes peuvent se modifier avant l’élection présidentielle. Le temps actuel est plein de mobilité et d’imprévu. On ne parle pour le moment que de deux candidats : qui sait s’il n’y en aura pas d’autres ? Les chances restent incertaines : il est probable que celui qui l’emportera ne le. fera que d’une quantité faible. Peut-être les adversaires de M. Doumer n’ont-ils pas encore accumulé assez de maladresses pour assurer tout à fait son succès ; mais il leur reste quinze jours. En dehors même de l’élection du bureau de la Chambre, des incidens parlementaires peuvent inopinément se produire. Tout le monde a le sentiment que l’élection présidentielle est, dans les circonstances où nous sommes et avec les candidats qui sont ou qui seront en présence, une chose grave : et c’est pourquoi on ne s’y prépare pas sans émotion.


Les incertitudes qui continuent de peser sur la politique internationale augmentent encore l’acuité de ce sentiment. La conférence d’Algésiras sera retardée d’une dizaine de jours. Le gouvernement espagnol s’est aperçu un beau matin qu’il aurait beaucoup de peine à loger convenablement tant de diplomates dans une aussi petite ville, et il a émis l’avis que Madrid conviendrait mieux pour cette réunion. Nous l’avons toujours pensé ; mais notre opinion n’ayant pas été partagée