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Encore s’ils s’en étaient tenus là. Mais ils ont continué. Leur candidat à la présidence de la République est M. Fallières, président du Sénat. Ils ne pouvaient pas faire un meilleur choix : M. Fallières jouit, comme homme, de la sympathie générale. Beaucoup de voix sans doute seraient allées à lui par une pente naturelle, si on n’avait pas donné à sa candidature un caractère de combat. Et, en effet, ce qu’on aime en lui, c’est qu’il est un homme de paix, d’aménité et de conciliation. Les radicaux-socialistes, qui sont tout le contraire, n’ont pas compris qu’en prenant sur leur propre tête le bonnet rouge pour en affubler grossièrement celle de M. Fallières, ils éloignaient de lui ceux qui n’aiment ni cet oripeau, ni ce qu’il représente. Quelle différence entre les amis des deux candidats ! Les premiers, ceux de M. Doumer, ne font aucun bruit, mais font de la besogne ; ceux de M. Fallières se contentent de faire énormément de bruit. M. Combes, en personne, est allé un jour dans les couloirs de la Chambre soutenir le scrutin public contre le scrutin secret, et il en a profité pour faire savoir urbi et orbi que M. Fallières était « son » candidat : en conséquence tous les républicains devaient donc voter pour lui, et ceux qui ne le feraient pas cesseraient d’être républicains. L’ostracisme est, avec les mesures d’exception, le geste naturel de nos jacobins. Le patronage de M. Combes était déjà bien lourd pour M. Fallières, qui a toujours appartenu à l’opinion moyenne du parti républicain : on lui en a infligé de pires ! Il fait partie, comme sénateur du Lot-et-Garonne, du tiers du Sénat actuellement rééligible. Une réunion de radicaux a eu lieu à Agen pour dresser une liste de candidats. Que ne l’a-t-on laissé opérer en toute liberté ? Nous avons peine à croire que M. Fallières ait besoin, pour être réélu dans son département, d’un secours venu de Paris. Mais les chefs du parti radical-socialiste ont délégué à Agen, pour apporter de bons conseils aux frères et amis, qui ? on ne le devinera jamais : MM. Camille Pelletan et le général André, les deux ministres de M. Combes qui ont le plus contribué à sa chute. Il suffit d’ailleurs de les nommer, sans avoir besoin de les présenter plus longuement à nos lecteurs qui les connaissent. MM. Pelletan et André se sont mutuellement congratulés devant les électeurs sénatoriaux du Lot-et-Garonne. M. Pelletan a déclaré que M. André était « un véritable homme d’État, » et qu’il avait bien fait, au ministère de la Guerre, de s’entourer de renseignemens puisés aux bonnes sources. La conclusion a été qu’il fallait voter pour M. Fallières par haine de M. Doumer. Nous passons sur les accusations diverses que les deux orateurs radicaux-socialistes