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s’il dit ce qu’il doit dire, il ne reste au Parlement qu’à approuver. Il fallait le 16 décembre, comme l’a conseillé M. Ribot, se serrer autour du gouvernement pour lui donner le plus de force possible à la Conférence. Une fois de plus, la Chambre a montré que lorsqu’il s’agit de pourvoir à un intérêt national évident, et surtout lorsque cet intérêt est discuté à l’étranger, toutes nos divisions cessent. Il n’y a plus de partis ; il n’y a que la France. Les derniers événemens nous ont du moins rendu le service de nous faire tous penser et sentir de même sur un point, union d’autant plus salutaire qu’elle est plus rare et qu’elle ne peut se former que sur un grand objet.


Encore une crise ministérielle : après l’Espagne et l’Angleterre est venu le tour de l’Italie. On savait, depuis quelque temps déjà, que, si la situation personnelle de M. Fortis était restée assez forte, celle de plusieurs de ses collègues était très ébranlée. La crise était attendue, annoncée : la question était de savoir si elle enlèverait le ministère totalement ou partiellement, et c’est la seconde hypothèse qui s’est réalisée. Le prétexte a été la discussion d’un modus vivendi économique avec l’Espagne, arrangement qui diminuait dans des proportions considérables, il faut l’avouer, les droits d’importation sur les vins espagnols. Les députés des régions viticoles du Sud en ont éprouvé une vive indignation : ils sont entrés en guerre contre le Cabinet et ceux qui n’attendaient qu’une occasion pour y entrer aussi ont profité avec empressement de celle qui leur était offerte.

Il s’est donc fait une redoutable coalition d’intérêts contre M. Fortis, et surtout contre quelques-uns de ses collègues, notamment contre M. Tittoni, ministre des Affaires étrangères. M. Tittoni a vaillamment défendu l’arrangement qu’il avait négocié avec l’Espagne et M. Fortis s’est déclaré solidaire avec lui. Le modus vivendi ayant été repoussé à une forte majorité, le ministère a donné sa démission ; mais M. Fortis a été chargé d’en former un autre, et il n’y a pas compris M. Tittoni. Nous constatons ces faits sans les apprécier, mais non sans les regretter, car nous n’avions eu qu’à nous louer de nos rapports politiques avec M. Tittoni et des sentimens qu’il y avait apportés. On a cru un moment qu’il entrerait dans la nouvelle combinaison. On a dit ensuite que le président de la Chambre, M. Marcora, menaçait, dans ce cas, de donner sa démission. L’hostilité de M. Marcora contre M. Tittoni vient de ce que le premier ayant, dans un discours, parlé du Trentin en l’appelant « notre Trentin, » le second a dû donner sur ce fait à l’Autriche des explications qui étaient ce qu’elles devaient