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Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 31.djvu/329

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couchées jusqu’à la nuit, moment où les Russes se mirent en retraite.

« Vous êtes sans doute étonné — dit un officier japonais, à un officier français, à la fin de la bataille de Lyao-Lyang ! — des différences qui existent avec ce que vous avez pu voir chez vous en temps de paix. Nous ne l’avons pas moins été nous-mêmes, car vous savez que nos règlemens sont identiques à ceux des armées européennes ; aussi nous avons commencé à manœuvrer selon les livres et c’est ainsi qu’on nous a fait enlever les lignes de Nan-Chan, le 27 mai, en une seule journée ! Mais au prix de quelles pertes ! Notre 3e division, qui était à gauche et ne bénéficiait pas du secours des canonnières embossées dans la baie de Kintchéou, fut décimée. Cette leçon nous profita et, grâce à l’expérience acquise, nous sommes arrivés à marcher moins vite et à nous couvrir davantage. »

La caractéristique de la tactique japonaise est en effet un emploi minutieux des couverts. « Les Japonais utilisent le terrain d’une façon idéale, dit un rapport russe. Pendant le combat, on ne voit jamais, non seulement les mouvemens de leurs réserves, mais même les bonds de la chaîne. On peut dire qu’ils font corps avec la terre, et il s’est présenté des cas où leurs troupes ont rampé sur le sol pendant des centaines de mètres, simplement afin de ne pas trahir leur présence. Dans tous les combats, les flancs sont l’objet de la plus grande attention ; ils sont depuis longtemps convaincus que, dans la plupart des cas, il est impossible de percer le front et qu’il est nécessaire d’opérer par mouvemens tournans ; en conséquence ils estiment que ces derniers sont les plus dangereux. Par suite, ils ont toujours de fortes réserves sur les flancs, non seulement pour s’opposer à l’enveloppement de la part de l’ennemi, mais aussi pour envelopper eux-mêmes le mouvement tournant de l’adversaire et arriver à le paralyser. Les Japonais n’engagent pas volontiers leurs réserves. Ils renforcent et condensent la chaîne autant que le permettent le terrain et les couverts. Ces derniers sont utilisés dans la perfection et, si nous employions comme eux le tir dur des zones, leurs pertes ne dépasseraient pas celles dues au hasard. Pendant le jour, ils évitent d’une façon absolue l’attaque à la baïonnette et se rendent compte de sa puissance quand elle est employée par les Russes. A cet effet, les chaînes se portent rapidement en arrière devant la charge, ou bien s’ouvrent sur le