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visions. Pour conserver à nos énormes armées leur capacité de mouvement, deux organes doivent être créés sans retard, savoir : les usines frigorifiques, qui seules permettent de faire vivre les troupes, puis la construction de 1 000 kilomètres de voie étroite (0m,60) système Péchot avec 120 ou 130 moteurs. Ce système qui fonctionne dans nos grands camps retranchés permet de construire, sur n’importe quelle route, 10 kilomètres par jour et assure ainsi la liaison des trains des troupes avec les stations de chemins de fer à voie large. Aucune autre solution n’est maintenant possible, la mobilité de nos armées en dépend.

Nous nous sommes uniquement proposé d’appeler l’attention sur les caractéristiques essentielles de cette guerre. Bien d’autres enseignemens peuvent en être tirés, tels que les dispositions nécessaires pour relever les lignes de combat dans les batailles de plusieurs jours, la répartition, l’échelonnement et les distances des réserves dans l’offensive ou dans la défensive ; tout ceci sortirait du cadre de cette étude.

Il appartient aux états-majors d’analyser les détails ; mais de l’ensemble se dégage la preuve que le soldat russe a conservé les qualités d’endurance, de solidité morale qu’admirait Napoléon, et que, d’autre part, l’extraordinaire énergie des troupes japonaises a étonné le monde à juste titre. Ce fut une saisissante démonstration de la puissance des forces morales. Maintenant, il est partout reconnu, qu’avec les armes actuelles, la valeur individuelle du combattant n’a jamais été plus prépondérante.

C’est bien là ce qui doit réconforter nos cœurs. Le caractère de notre soldat s’adapte merveilleusement aux nécessités actuelles. Le nombre ne décide pas de la victoire. Les Russes avaient à Lyao-Yang 30 000 hommes et, à Moukden, 60000 hommes de plus que les Japonais, Une certaine infériorité numérique n’est pas pour troubler nos troupes. Elles ont prouvé plus d’une fois et prouveront encore que, même dans une pareille situation, elles savent vaincre. Attachons-nous à former des élites et n’oublions pas ces paroles de Marmont : « Les Français vaudront toujours dix fois leur nombre avec un chef en qui ils ont confiance et qu’ils aiment. »

NÉGRIER