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des Souvenirs d’égotisme lui arrache cette exclamation de bien-être[1] : « Je suis heureux en écrivant ceci... Je ne pourrais reprendre à quatre heures (après la correspondance diplomatique expédiée) un ouvrage d’imagination. Je fais aisément ceci, sans autre peine et plan que : me souvenir. »

Il est permis de voir enfin un dernier indice de volonté atténuée, d’atrophie du self-control dans ce mimétisme singulier dont sa production littéraire porte les marques, mais qui s’étendait jusqu’à sa personne physique, et dont il a fait l’aveu à plusieurs reprises. Passe encore pour son souci de copier les acteurs du Théâtre-Français aux heures de sa vocation dramatique, pour ce « fleurisme » en particulier qui faisait de lui une copie du jeune premier applaudi de son temps. C’est là une vanité de jeunesse, que bien d’autres ont connue sous des formes analogues. Mais voici un aveu d’Henri Brulard qui trahit une suggestibilité anormale, et qu’on rencontre dans les cas d’hypnose plutôt que dans l’état d’équilibre du système nerveux. Il signale dans son enfance, un « goût croissant des grimaces » auquel on s’opposa vainement autour de lui, et il ajoute[2] : « Ce goût dure encore : je ris souvent des mines que je fais quand je suis seul... Mon instinct est plutôt d’imiter les mouvemens, ou plutôt les positions affectées de la figure (face), que ceux du corps. Au Conseil d’État, j’imitais, sans le vouloir, et d’une façon fort dangereuse, l’air d’importance du fameux comte Regnault de Saint-Jean-d’Angély, placé à trois pas de moi : particulièrement quand, pour mieux écouter le colérique abbé Louis... il abaissait le col démesurément long de sa chemise. Cet instinct... m’a fait beaucoup d’ennemis. »


ERNEST SEILLIÈRE.

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