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LES

FAUCHEURS DE LA MER




Frucho de mar, « fruits de mer, » dit-on à Marseille de ces bizarres représentans de la faune méditerranéenne, piades-subérites, vioulets, oursins, lithodomes, etc., qui grouillent au soleil sur les dalles du Vieux-Port ou que l’ingéniosité des restaurateurs dispose méthodiquement sur des lits d’ulves vertes, entre des flacons de vinaigre et des tranches de citron, aux devantures de leurs établissemens. Et l’appellation est aussi juste que gracieuse. De fait, la piade-subérite ressemble à une orange ; le vioulet à une figue de Barbarie ; l’oursin à une châtaigne ; le lithodome à une datte confite. Fruits étranges des vergers de la mer, mûris sous l’énorme vitrage de ses eaux ! On les rencontre aussi dans la Manche et l’Océan ; mais ils jouent un rôle plus effacé dans l’alimentation des riverains ; l’oursin, par exemple, très abondant sur les côtes bretonnes, n’est recueilli qu’en carême, où ses ovaires d’un beau rouge, mêlés à la pâte des crêpes, font office de jaune d’œuf.

Aux vergers de la mer les populations de la Manche et de l’Atlantique préfèrent ses moissons que néglige presque totalement l’agriculture provençale. Et il est vrai que le sol de la Provence souffrirait plutôt d’un excédent que d’une pénurie de calcaire. Quelques fermes du littoral méditerranéen utilisent seules comme litière, dans leurs porcheries, les zostères rejetés sur les plages et dont les couches inexploitées atteignent en certaines ca-