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Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 31.djvu/381

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et intitulé : Usance de cueillir le gouëmon. Chacune de nos provinces maritimes avait de ces usances, et c’est d’elles vraisemblablement que sortit l’ordonnance royale d’août 1681, dont les dispositions essentielles sont encore en vigueur aujourd’hui.

Cette ordonnance réservait le droit de coupe de « l’herbe appelée varech ou vraicq, sar ou gouësmon, » aux habitans des « paroisses situées sur les côtes de la mer » à l’exclusion de tous autres ; elle fixait au premier dimanche de janvier, « à l’issue de la messe paroissiale, » l’assemblée annuelle desdits habitans, convoqués par la voie des syndics, marguilliers ou trésoriers de la paroisse, en vue de « régler les jours auxquels devrait commencer et finir la coupe ; » elle interdisait de procéder à cette coupe « de nuit et hors les temps réglés par la délibération de la communauté, » ainsi que de cueillir les « vraicqs… ailleurs que dans l’étendue des côtes de la paroisse ; » elle permettait néanmoins « à toutes personnes de prendre indifféremment, en tout temps et en tous lieux, les vraicqs jetés par le flot sur les grèves et de les transporter où bon leur semblerait. »

Sous couleur de protéger le frai du poisson et la santé publique, la déclaration du 30 mai 1731 faillit bien, un moment, il est vrai, bouleverser de fond en comble la jurisprudence établie par cette sage ordonnance : interdite sur la plus grande partie du littoral, la coupe du goémon n’était plus autorisée sur certaines côtes que pendant l’été ; il n’était loisible de la pratiquer qu’avec un couteau ou une faucille, pour ne pas « déraciner » les herbes ; ces herbes elles-mêmes, là où on en fabriquait de la soude, ne pouvaient être brûlées que « dans le temps où le vent portait du côté de la mer, » parce que leur fumée était réputée malsaine à toutes les espèces de grains et de fruits et qu’il « s’était répandu qu’elle causait des maladies épidémiques. » Singuliers argumens, et auxquels on ne peut s’empêcher de trouver comme un parfum de moyen âge[1] ! Aussi bien, les conséquences de la funeste déclaration de 1731 ne tardèrent pas à se faire sentir. Une décla-

  1. L’un de ces argumens a été repris cependant au dernier congrès de l’Association française pour l’avancement des sciences (août 1905) : si le poisson ne fraie pas dans les herbes marines, il est certain que le plankton (masse de petits organismes larvaires ou élémentaires dont il fait sa nourriture) provient en grande partie de ces herbes. M. de Seilhac, l’un des congressistes, en a voulu conclure que c’étaient les goémoneurs qui avaient chassé la sardine des côtes bretonnes. Comme si la coupe du goémon était d’institution récente ! Comme si, surtout, l’on observait pour la première fois une irrégularité dans la « montée » du plus capricieux de nos poissons !