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Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 31.djvu/382

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ration postérieure, en date du 30 octobre 1772, s’en explique avec beaucoup de netteté : ce n’était pas l’agriculture seulement qui avait souffert de la privation des engrais marins ; les « grosses verreries » de Normandie, dont l’étranger était tributaire à cette époque, faute d’ « une matière première étroitement nécessaire à la fabrication des verres à vitre, » avaient dû fermer leurs portes. La plainte était générale ; les parlemens des provinces élevaient la voix. L’État s’émut à la fin et chargea d’une enquête trois membres de l’Académie des sciences : Tillet, Guétard et Fougeroux, lesquels conclurent à l’inanité de la plupart des accusations qu’on faisait peser sur les goémoneurs et fabricans de soude. En raison de quoi, le département de la Marine décidait de rapporter la déclaration de 1731 et de rétablir la jurisprudence dans son premier état ou à peu près.

La Révolution elle-même respecta cette jurisprudence[1], dont la loi du 9 janvier 1852, les décrets du 4 juillet 1853 et du 8 février 1868 ne firent qu’amender légèrement les dispositions. Jusqu’en 1868 néanmoins, et par tolérance, le droit d’employer à la récolte « des individus étrangers à la commune » était laissé aux propriétaires riverains, à l’exception des non-domiciliés. Cette disposition prêtant à équivoque, un décret complémentaire fut rendu, en date du 31 mars 1873, qui spécifiait que les non-domiciliés ne pourraient plus employer à la récolte que des habitans de la commune. On croyait la question réglée. Mais, à la faveur de l’article 2 de la nouvelle loi, « un nombre considérable d’étrangers aux communes riveraines y achetèrent, pour se constituer un droit à la récolte, des parcelles insignifiantes, souvent incultes et n’ayant même pas toujours de limites déterminées. Certains contrats de vente furent même passés au nom de plusieurs acquéreurs, de façon à conférer à chacun des propriétaires indivis le droit à la récolte. » {Circulaire du 15 fév. 1890.) Pour mettre un terme à ces abus, le ministre de la Marine demanda et obtint l’abrogation de l’article 2 du décret du 8 février 1808 et des dispositions du décret du 31 mars 1873 : à

  1. Il y eut bien un arrêté du représentant du peuple Lecarpentier, en date du 12 vendémiaire an II, qui enlevait le droit exclusif de coupe aux communes riveraines, pour le motif que « l’exclusion des communes non limitrophes était injurieuse à l’égalité, préjudiciable à la fécondité de la terre et qu’il en résultait une déperdition sensible du varech, dont le surplus n’était pas consommé par les privilégiés. » Mais cet arrêté ne tarda pas à être rapporté par un autre arrêté en date du 18 thermidur an X.