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à encadrer cette scène de balerie ; lui seul était immuable ; la scène mimée variait, selon la fantaisie des compositeurs de ces petits ballets.

Peut-être ces vues expliquent-elles une chanson du trouvère Baude de la Quarière, publiée par Bartsch dans son recueil des Romances et pastourelles (I, 71). Nous la publions deux pages plus loin en supposant que c’est une pièce dialoguée ; mais l’unique manuscrit qui nous l’a conservée ne donne aucune indication de ce genre, et, si l’on veut bien la lire d’abord sans tenir compte des divisions que nous y avons marquées, on constatera qu’elle est inintelligible. Chacune de ces phrases est claire et jolie, et ces phrases claires, mises bout à bout, sont obscures. Aussi les commentateurs ont-ils renoncé jusqu’ici à lui attribuer un sens quelconque. C’est « une fatrasserie, » dit Paulin Paris[1] ; un « pot-pourri de refrains, « dit Gaston Paris[2] ; un « quodlibet, » dit M. G. Schläger[3].

Il convient, croyons-nous, d’y reconnaître une chanson à danser, comme l’indique suffisamment l’emploi du couplet de Bele Aelis, qui n’a jamais servi qu’à accompagner la danse[4].

Or, si l’on observe que chaque strophe débute par trois vers qui sont les seuls décasyllabes de la pièce et que ces décasyllabes sont assonances, tandis que le reste de la pièce est rimé, ce changement de technique autorise l’hypothèse que ces quinze décasyllabes formeraient (sur une seule assonance en i) une ancienne chanson, reprise et développée par Baude de la Quarière. M. G. Schlager a déjà émis cette supposition, qu’il fonde en outre sur certaines considérations musicales. Par malheur,

  1. Histoire littéraire de la France, t. XXIII, p. 530.
  2. Mélanges de philologie romane dédiés à C. Wahlund, p. 3.
  3. En son excellent mémoire Sur la musique et la construction strophique des romances françaises (Forschungen zur romanischen Philologie, Festgabe für H. Suchier, Halle, 1900).
  4. Il semble que G. Paris ait exprimé la même opinion, car il écrit (Journal des Savans, 1891, p. 682) : « En quelques chansons à personnages, le poète prend une part plus ou moins indirecte à l’action. Il est clair que, dans cette intervention indispensable du poète, il y a une convention, une formule technique. » Et à la note : « Les no 22-26, 21-32, 52, 67, 71 du recueil des Pastourelles de Bartsch qui ne la présentent pas, sont en réalité de simples chansons à danser. » Mais les no 27-30b, 52, 66 la présentent, et il est impossible que G. Paris ait considéré aucune de ces pièces comme une chanson à danser. Il s’est donc produit ici, croyons-nous, une confusion parmi ses notes, et nous ne sommes pas sûr qu’il ait voulu exprimer sur le no 71 la même hypothèse que nous présentons au lecteur.