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si, l’admettant, on isole ces quinze vers, on n’obtient pas un sens plus satisfaisant qu’auparavant, et M. G. Schläger n’a essayé aucune tentative d’interprétation. A la lumière des remarques ci-dessus proposées, nous nous représentons ici deux personnages de ballet qui dansent et qui dialoguent, tandis qu’autour d’eux se meut une ronde, La fiction est que Bele Aelis, venue au jardin, y a rencontré son ami, et tous deux écoutent le rossignol, qui les invite à aimer. Ces quinze décasyllabes formeraient la pièce que voici :


Le chœur : Main se leva la bien faite Aelis...
Elle : « Vous ne savés que li loursegnols (a) dist ?
Il dist c’amours par faus amans perist. »
Le chœur : Bel se para et plus bel se vesti...
Lui : « Vous avés bien le rousegnol oï.
Se bien n’amés, amors avés traï. »
Le chœur : Si prist de l’aigue en un doré bacin...
Elle : « Li rousegnols nos dit en son latin :
Amant, amés, joie ares a tous dis. »
Le chœur : Lava sa bouche et ses oex et son vis...
Lui : « Buer fu cil nés ki est loiaus amis (b) !
Li rousegnols l’en pramet paradis. « 

LES DEUX DANSEURS RENTRENT DANS LA RONDE ET CHANTENT AVEC LE CHŒUR :


Si s’en entra la belle en un gardin
Li rousegnols un sonet li a dit :
« Pucele, amés, joie ares et delit.  »


Telle serait l’ancienne chanson. L’œuvre de Baude de la Quarière aurait consisté à la développer.

Après chaque couplet de l’un des danseurs, le chœur reprend en sept vers. Pareil au chœur d’une comédie grecque, il s’associe aux sentimens des principaux acteurs. Il les excite à l’amour et leur rappelle en ces sept vers les principaux préceptes de l’amour courtois. Puis, dans les cinq derniers vers de la strophe, se joue une seconde scénette de balerie, chacun des petits acteurs chantant à son tour.

Sans doute les vers que nous prêtons au chœur forment des phrases trop longues, trop compliquées et de mètres trop variés

(a) Le rossignol. — (b) Il est né à la bonne heure, celui qui est amant loyal.