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Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 31.djvu/440

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REVUE DRAMATIOUE


Comédie-Française : Le Réveil, pièce en trois actes, par M. Paul Hervieu. — ODÉON : Jeunesse, pièce en trois actes, par M. André Picard. — THÉÂTRE-ANTOINE : Le coup d’aile, pièce en trois actes, par M. François de Curel.


L’œuvre déjà fort abondante que M. Paul Hervieu a donnée au théâtre, dans l’espace d’une dizaine d’années à peine, a été souvent louée pour ses qualités de dialectique, de mouvement rapide, d’observation profonde, d’inquiétude morale : ce qu’on n’en a pas assez remarqué, c’est la variété. L’empreinte puissante que met à chacune de ces pièces l’originale personnalité de l’auteur a fait illusion ; à y regarder d’un peu près, on s’aperçoit que, comme tout écrivain passionnément épris de son art, M. Paul Hervieu a modifié déjà, plusieurs fois, sa manière. Il a commencé par des pièces de discussion, où les personnages se rencontrent et se heurtent comme des argumens. Après avoir tiré des controverses de la polémique sociale le sujet des Tenailles et celui de la Loi de l’homme, il s’est penché sur les profondeurs douloureuses du cœur humain, et il en a rapporté cette œuvre de sérénité triste : la Course du Flambeau. Ici, rien de romanesque, un minimum d’invention dramatique et d’incidens : toute la valeur de la pièce venait de sa ressemblance avec la réalité, et d’une étude très serrée des sentimens et des caractères qui commandent les événemens. Puis il fut tenté par une forme de théâtre qui est à peu près exactement le contraire de cette manière large et apaisée : ce fut ce drame rapide, étreignant, angoissant, qui, dans l’Enigme, jaillissait d’une situation habilement combinée. C’est à cette forme que l’auteur du Réveil est revenu, et il semble qu’il ait voulu, dans sa nouvelle pièce, la pousser à l’extrême et en tirer les effets les plus intenses qu’elle pût contenir.