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nuages, de la pluie, la chanson de la route, que les Bohémiens, au loin, chantent en chœur, a le plus d’expression et de caractère. Comme eux, elle semble cheminer à l’aventure, sans hâte et sans fin. Ces dernières scènes de Miarka demeurent présentes à notre mémoire. Était-ce l’effet de la musique ou du décor, le prestige de la lumière ou celui des sons ? En tous cas, sur cette vision de la tribu vagabonde, retrouvant sa jeune reine et reprenant avec elle son pèlerinage éternel, sur ce tableau de couronnement et d’épousailles, le souffle d’une vague, mais pénétrante poésie, un moment, a passé.


Le maître de M. Jourdain s’est trompé. Tout ce qui n’est pas prose n’est pas vers et ce qui n’est pas vers peut cependant ne point être prose. On en trouve des preuves de plus en plus nombreuses dans les modernes livrets ou poèmes d’opéra. Lisez plutôt cette amoureuse et maritime déclaration d’un pêcheur à sa promise : « Quand la vague est terrible et que l’on croit périr, on voit tous ceux qu’on aime apparaître soudain en cet instant. Alors toujours la même image se dresse devant moi. Toujours comme un troublant mirage…, etc. »

Je n’assure pas que ces lignes forment un couplet ou une strophe ; je n’oserais pas non plus y voir un simple paragraphe. C’est en ce langage mitoyen que M. Henri Cain a décrit, afin que M. Widor les mît en musique, les faits et les sentimens que voici.

Jean-Pierre, un pêcheur de Saint-Jean-de-Luz, est le patron d’une belle barque et le père d’une belle enfant. Jacques est le meilleur matelot de la première et l’amoureux de la seconde. Mais parce qu’il ne possède rien et qu’elle est riche, le père, ayant eu vent de leur accord, le brise, et congédie le marin. Jacques, pour oublier, se débauche, s’enivre, et, s’étant pris de querelle avec son ancien maître, il le tuerait, si les camarades ne retenaient son bras. Mais un jour, ou plus exactement une nuit que la tempête soulève la mer de Biscaye, à deux cents brasses de la côte, Jean-Pierre, avec son équipage, se trouve en péril de mort. Jacques, le rude et fin pilote, est seul capable de le secourir, de le sauver peut-être. Il hésite un instant, un seul, puis s’élance et ramène le "vieux loup de mer, qui se résigne, en maugréant toujours, à faire son gendre de son sauveteur.

Il nous a paru d’abord que la musique n’était pas assez la musique de l’action, ou plutôt que celle-ci, — nous ne parlons encore que de l’action intérieure, sentimentale ou passionnelle, — avait trop peu de place dans la musique. Musicien plus qu’estimable d’ailleurs, — ou ailleurs, — c’est à l’orgue, à l’orchestre, au piano même, à l’orgue surtout