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le bulletin et prépare ainsi l’annulation du vote. Le jour où l’électeur aura le droit de déposer lui-même son enveloppe dans l’urne[1], toute manœuvre devient impossible.

Le dépouillement du scrutin est de toutes les opérations la plus délicate. Confiée au bureau électoral, elle est accomplie, à la fin d’une longue journée de votes, alors que la fatigue des membres du bureau, l’énervement des électeurs, l’excitation des esprits créent une atmosphère spéciale très peu favorable aux jugemens calmes et impartiaux : la foule se presse autour des tables, guettant les premiers résultats. Les électeurs présens sont les plus passionnés, on s’en aperçoit aux moindres incidens ; il suffit d’un bulletin douteux pour qu’en un instant l’émotion gagne l’assistance. Dans les régions agitées, c’est souvent d’un débat de ce genre que naît le tumulte, avant-coureur des violations du scrutin. Dans ce milieu surchauffé où les esprits sont inflammables, le législateur a permis au président du bureau, s’il y a plus de 300 votes à dépouiller, de choisir pour scrutateurs et d’installer aux diverses tables des électeurs sans autre garantie que leur bonne volonté : comment la loi n’y a-t-elle pas pourvu en prescrivant des désignations réfléchies ? La loi belge a pris un parti qui évite tout désordre.

Le président du bureau et ses collègues ne se livrent en public qu’à un seul travail : l’ouverture de l’urne et la mise sous enveloppe cachetée et scellée des bulletins qui en sont extraits. Ce rangement achevé, ils transportent l’enveloppe au chef-lieu du canton ; les présidens de bureaux se réunissent et commencent le dépouillement en présence des témoins des candidats dont les regards tiennent lieu de la foule absente. Lorsque l’institution des témoins sera entrée dans nos mœurs, quand les électeurs auront compris la valeur de ce contrôle, nous ne doutons pas que le législateur substitue au tapage d’une salle encombrée le dépouillement en plein calme donnant lieu à une véritable délibération.

Une dernière étape doit être franchie. La Commission de recensement qui examine les procès-verbaux d’élection, statue sur les questions douteuses, procède aux additions et proclame le député, est composée actuellement de trois conseillers géné-

  1. Le projet de loi actuellement soumis à une nouvelle délibération du Sénat établit le système des enveloppes (art. 1er ) et l’article 3 enlève au président du bureau électoral le droit de toucher à l’enveloppe.