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Grâce aux remarquables observations de Lettow que nous venons de citer, nous avons vu, le soir de Ligny, quand le général en chef a disparu, quand la déroute commence et risque de s’étendre à toute l’armée, l’état-major de l’armée prussienne intervenir énergiquement ; un général de cet état-major prendre l’initiative d’organiser des points d’appui pour la retraite, et sauver ainsi l’armée d’une désunion complète ; des officiers d’état-major courir de tous côtés pour rétablir l’ordre ; un simple lieutenant arrêter la colonne des fuyards qui s’échappaient vers le Nord, rendre compte aussitôt du succès de sa mission, recevoir une réponse qui le met au courant des ordres donnés pour les quatre corps d’armée, et lui permet de renseigner chacun conformément aux mesures prises pour l’ensemble de l’armée.

Dans la nuit décisive du 16 au 47, quand Gneisenau retrouva son général en chef à Millery, il conféra immédiatement avec lui, et lui rendit compte de l’ordre donné de replier l’armée, non pas vers l’Est, mais vers le Nord sur Tilly, pour rester en relation avec les Anglais et recommencer la bataille. Il a dû lui parler aussi de l’aspect troublé des troupes qu’il avait côtoyées pour atteindre Millery ; et de cette conférence il est ressorti que Tilly était trop près de Napoléon, et qu’il valait mieux se concentrer plus au Nord vers Wavre.

Le lendemain 17, dans la matinée, à Wavre, pendant que le général en chef, enfiévré par les suites de sa chute, prenait un peu de repos, nous avons vu le chef d’état-major travailler, se préoccuper de la situation de l’armée qui était loin d’être bonne ; songer aux dispositions à prendre sur ses derrières, vers le Rhin, pour le cas, non impossible à ce moment-là, où Napoléon infligerait un désastre complet à ses deux, adversaires ; donner même des ordres pour remédier autant que possible à ce mauvais début de la guerre ; et en même temps activer le rassemblement, le ravitaillement des corps, se préoccuper des mesures à prendre pour envoyer à Wellington le secours qu’il réclamait...

Puis, quand tout fut préparé, assuré, nous avons vu le général en chef bien renseigné, ayant pu réfléchir à tête reposée, intervenir avec sa grande expérience de la guerre, sa connaissance des hommes et des choses, son souci des intérêts, de l’honneur, de la grandeur de la Prusse, et prendre la décision définitive, en ordonnant que l’armée tout entière marcherait, sous son commandement, au secours de son alliée ; — et aussitôt