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Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 31.djvu/640

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et se perpétuer dans l’ombre ; et quand, par hasard, d’autres les découvrent, nous nous défendons de les avoir. En revanche, nos défauts, tous nos défauts, que nous exagérons d’ailleurs, quand parfois même nous ne les inventons pas pour le plaisir de nous en faire gloire, nous les étalons, non sans forfanterie, nous en plaisantons ; nous voulons à tout prix passer pour les mauvais sujets de l’Europe ; et nous nous étonnons après cela que l’Europe ait mauvaise opinion de nous ! Si, comme on l’a dit, l’hypocrisie est un hommage rendu à la vertu, c’est là une espèce d’hommage qu’on ne sait point rendre en France.

De cette mauvaise et fausse opinion que nous donnons de nous-mêmes à ceux qui déjà ne sont que trop intéressés à l’avoir et à l’entretenir, notre littérature, — surtout notre littérature d’exportation, — il faut l’avouer, est, pour le moins, aussi responsable que nos boulevardiers et nos Gaudissart. Ici encore, M. Seippel a de très justes observations. « Les romanciers les mieux intentionnés, dit-il, — Emile Zola plus que tout autre, — ont contribué à donner au monde une idée parfaitement fausse et injuste de leur pays. » Voilà un aveu à retenir. On ne dira jamais assez, — les Français qui ont vécu à l’étranger le savent bien, pour en avoir souffert, — tout le mal que Zola, sans s’en douter, je le veux croire, aura fait à son pays. Aucun romancier français contemporain n’a été plus lu, plus traduit, — et plus cru sur parole, — que l’auteur de la Débâcle et de Pot-Bouille ; aucun n’a eu sur l’opinion européenne à notre endroit une influence plus générale et plus néfaste. Que d’honnêtes gens en Allemagne, en Angleterre, en Amérique, ou en Suisse même, ne connaissent la société française que par les héros de Nana ou de la Terre ! Et Zola a fait école : romanciers, dramaturges et journalistes, sous mille formes et sous mille prétextes, se sont évertués, avec un succès d’ailleurs croissant, à calomnier leurs compatriotes, et à exploiter la crédulité ou le dévergondage des étrangers. On peut dire avec assurance que les parties vraiment saines et élevées de notre littérature sont profondément ignorées ou méconnues hors de France ; et, pour notre malheur, on est trop convaincu hors de France que la littérature est toujours l’expression de la société qui l’inspire.

Faut-il ajouter que les écrivains d’imagination et les journalistes ne sont pas ici les seuls coupables ? Une revue allemande, la Zeitschrift fur französische Sprache und Litteratur,