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contribuent pas médiocrement à en faire la cité de leurs vertueux anathèmes. M. Seippel aurait bien dû lui rappeler ces vérités élémentaires.

Il aurait bien dû aussi ne pas laisser traîner dans son livre des phrases, — on en pourrait citer d’autres[1], — du genre de celle-ci, qu’on croirait cueillie dans la Lanterne ou dans la Raison : « Tandis que le parti socialiste se renforce et fait sentir une influence de plus en plus prépondérante sur la France républicaine, l’Église rallie les troupes éparses de la réaction. » « Réaction, » « cléricalisme » sont d’ailleurs de ces mots dont abuse M. Seippel ; que, bien entendu, il ne définit jamais, pour la plus grande commodité de sa thèse et de ses inimitiés ; et dont il ne paraît pas se douter qu’ils ne veulent rien dire du tout. Il croit aussi avec une naïveté touchante à l’universelle supériorité des nations protestantes sur les nations catholiques. Il regrette, dans le fond de son cœur, que la France, il y a trois siècles, ne se soit pas faite protestante ; et, fort sans doute de l’expérience du passé, il déclare bravement « que si le peuple français, brisé par tant de luttes, devait revenir un jour à l’Église pour reposer sa lassitude à l’ombre d’une autorité tutélaire, c’est que, après l’Espagne, il reconnaîtrait que son rôle est terminé dans l’histoire du développement humain. » Il admet comme une vérité d’évidence, — et en dépit du Cujus regio, ejus religio, — que c’est de la Réforme que sont issues toutes les libertés modernes. Il écrit avec tranquillité en parlant de la France du XVIe siècle : « L’élite spirituelle de la nation

  1. Il nous faut au moins reproduire ici, — à titre d’indication sur la « mentalité » de M. Seippel, — les lignes suivantes qui terminent son chapitre sur la Révolution et la Tradition romaine : « Tandis que la passion antireligieuse, attisée par l’active propagande de ceux qui ont entrepris de « déchristianiser » la France, descendra de plus en plus bas dans la plèbe des grandes villes, la noblesse repentante fera cause commune avec l’Église et lui demandera son pardon et son appui ; Conversion intéressée à une religion tutélaire qui garantisse la sécurité des privilégiés et tienne le peuple en respect. L’Église a accepté le pacte. Elle ne sera plus telle que l’avait voulue son fondateur, la protectrice des faibles et des opprimés. Les classes populaires, soupçonnant que ses conseils de résignation sont intéressés, se détacheront d’elle de plus en plus, assez clairvoyantes pour voir, elles aussi, dans cette institution patronnée par les puissans de ce monde, une force d’oppression faite pour les maintenir en servitude. » — J’admire cette élégante manière de supprimer d’un trait de plume non seulement tout ce qu’on est convenu d’appeler du nom de « catholicisme social, » mais encore, mais surtout toutes les œuvres, toutes les institutions d’assistance et de charité populaires qui, depuis un siècle, ont été inspirées par l’idée catholique.