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sa réserve sur Quatre-Bras contre les Anglais, et à diriger l’aile de Grouchy, augmentée de la division Teste, sur Gembloux, à la poursuite des Prussiens.

Un premier ordre verbal est donné par l’Empereur à Grouchy ; puis un deuxième ordre écrit, dont voici les points importans : « Rendez-vous à Gembloux avec les corps… Vous vous ferez éclairer dans les directions de Namur et de Maëstricht, et vous poursuivrez l’ennemi. Éclairez sa marche et instruisez-moi de ses mouvemens de manière que je puisse pénétrer ce qu’il veut faire. Je porte mon quartier général aux Quatre-Chemins, où ce matin étaient encore les Anglais… Il est important de pénétrer ce que veulent faire Blücher et Wellington, et s’ils se proposent de réunir leurs armées pour couvrir Bruxelles et Liège, en tentant le sort d’une bataille… »

Tout en admettant la possibilité d’une réunion des alliés devant Bruxelles, cet ordre indique bien, aux yeux de Lettow, que l’Empereur croyait à ce moment que les Prussiens s’étaient retirés exclusivement par la route de Gembloux. L’idée d’une retraite sur Wavre par Tilly ne lui est pas venue apparemment ; et cependant sa vieille expérience aurait pu lui rappeler que l’ennemi’ battu prend habituellement la direction de la poussée qui l’a fait plier[1].

Au sujet de l’heure tardive à laquelle cette décision a été prise par Napoléon, Lettow fait quelques observations qu’il est intéressant de citer :

« On a souvent émis l’opinion que, par son attitude dans cette journée du 17 juin, l’Empereur a donné des signes d’affaissement[2] ; en particulier, on a voulu y voir une dépression de l’énergie intellectuelle et corporelle du grand maître de la guerre. Pour ma part, dit Lettow, tout en reconnaissant que, dans les après-midi des 15 et 16 juin, toutes les dispositions prises ont été motivées, sagement et conformément aux circonstances, je crois cependant que le tout jeune général en chef (Bonaparte) » tel que je le vois en 1796, poussé par son ambition de gloire et de pouvoir, n’aurait (dans des circonstances analogues à celles qui ont suivi Ligny) accordé aucun repos à ses troupes et à lui-même ; el qu’il aurait sans relâche poussé violemment de l’avant. »

Mais il ajoute que tout autre est la comparaison avec la

  1. Napoleons Untergand, p. 381.
  2. Ibid.. p. 382.