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et la voie romaine. D’après les calculs de Lettow, en agissant ainsi, on aurait pu faire atteindre Gembloux aux deux corps vers cinq ou six heures du soir, tandis que l’un n’est arrivé qu’à sept heures et l’autre à dix heures du soir. C’est vrai ; mais à mon avis, le reproche s’adresse plutôt à l’état-major impérial, qui aurait dû inviter Grouchy à utiliser ces deux chemins, au moment où il se séparait de l’armée principale...

Grouchy lui-même arrive très tarda Gembloux, et n’y trouvant pas de renseignemens d’Exelmans, est forcé de s’en rapporter aux dires des habitans sur la retraite de l’ennemi. Lorsqu’il écrit à l’Empereur à dix heures du soir, il ne sait pas encore si le lendemain, il aura à poursuivre vers Wavre ou plus à l’Est vers Perwez. Toutefois, il prescrit dès le soir à ses corps d’infanterie de marcher le lendemain sur Sart-à-Valhain, mais encore par une seule route. Ici, sa responsabilité est entière ; car rien ne limite plus son initiative.

L’Empereur, ajoute Lettow[1], ne pouvait pas être servi plus mal qu’il ne l’a été, par le détachement d’armée chargé de la poursuite. Si Grouchy était arrivé à temps à Gembloux, il aurait pu facilement faire reconnaître avec certitude la direction de retraite du corps Thielman qui venait de quitter Gembloux pour marcher sur Wavre. De là serait ressortie nettement pour lui la direction à imprimer ultérieurement à sa poursuite : avant tout, il fallait empêcher une jonction des Prussiens avec Wellington ; il n’avait pas à s’occuper de ce qui s’était retiré sur Namur ou Liège. Rien ne pouvait empêcher les deux armées alliées de se réunir, si elles le voulaient, près de Bruxelles ; mais elles pouvaient aussi se donner la main plus près, vers Mont-Saint-Jean, les Prussiens passant par Wavre. Dans ce dernier cas, les passages de la Dyle pouvaient être occupés par une partie de l’armée prussienne et disputés aux troupes de la poursuite. Grouchy aurait dû comprendre qu’il fallait s’emparer de ces passages, le plus tôt possible ; et pour cela, pousser plus au Nord, dès le soir même, les deux corps d’infanterie, par des marches de 18 kilomètres, l’un de Gembloux par Ernage sur Nil-Saint-Vincent, l’autre par Gentines sur Mont-Saint-Guibert. Alors, il lui serait devenu possible de gagner le lendemain, d’assez bonne heure, la rive gauche de la Dyle par Moustier ou Ottignies, pour tomber

  1. Napoleons Untergang, p. 388.