Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 31.djvu/711

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

outre des bougies ordinaires, de longs cierges pour vœux, destinés à brûler devant les autels.

Dans l’atelier suivant, celui des « rogneuses, » fonctionne aussi un personnel exclusivement féminin[1], qui projette les bougies devant la scie circulaire chargée de les couper à la longueur voulue. D’autres machines mordent sur les rugosités extérieures, polissent, nettoient et impriment sur la bougie neuve la marque de la maison.

Tout en admirant l’agilité des mains des travailleuses, nous remarquons le grand nombre de bougies à cinq trous que l’on est en train de manier ; cette marque se propage de plus en plus, parce que, comme disent les professionnels, la bougie creuse « absorbe ses pleurs en elle-même ; » comme la mèche est boriquée, la propreté du bâton lumineux ne laisse rien à désirer.

Les paquets de bougies sont pliés dans des papiers de différentes couleurs qui n’ont aucune signification conventionnelle, sauf la nuance verte qui, paraît-il, désigne la marque bourgeoise moyenne. Le papier prend naissance à la stéarinerie même ; il est d’abord fabriqué en gris et reçoit ultérieurement, avant découpage, la couleur à l’aniline qui doit flatter l’œil du client et, sans sortir du même local, il reçoit l’impression. Soixante-cinq machines spéciales doublent, redoublent les fils et assemblent ainsi les futures mèches au milieu d’un tapage infernal qui assourdit les oreilles du visiteur comme le ferait le bruit d’une puissante chute d’eau ; les quelques femmes qui surveillent la besogne mécanique pourraient enfler leurs voix jusqu’à s’enrouer, sans réussir à se faire entendre. Sur un seul geste du propriétaire de l’usine qui appuie sur un levier, les soixante-cinq machines s’arrêtent instantanément et le silence règne, tant est parfait l’agencement du mécanisme de mise en marche et d’interruption.

Entassés dans les wagonnets qui circulent sur rails, tantôt souterrainement, tantôt à ciel ouvert, les paquets de bougies pénètrent à l’intérieur d’immenses magasins, y sont déchargés dans des caisses qui s’amoncellent méthodiquement en d’énormes amas dont la somme représente plusieurs millions de paquets. Les caisses ne proviennent pas des nombreuses scieries mécaniques qui grincent dans la banlieue de Marseille, mais sont

  1. Sur 1 800 employés, l’usine compte 700 femmes.