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des fluctuations de la politique intérieure, parce qu’elle correspond aux intérêts permanens du pays.


La conférence d’Algésiras s’est réunie le 16 janvier, et a débuté, comme il fallait s’y attendre, de la manière la plus heureuse. Ce n’est pas pour ses débuts que nous avons eu des appréhensions, mais pour ce qui viendra ensuite. On a commencé par les questions sur lesquelles l’entente était faite en principe et pouvait le plus facilement se réaliser dans les détails, en quoi on a bien fait. Nous ne savons pas si on prendra par là l’habitude d’être d’accord, ni si elle se maintiendra jusqu’au bout, mais il est toujours bon d’essayer. Les travaux de la Conférence marchent d’ailleurs lentement ; ils dureront peut-être plus qu’on ne l’avait cru. Les plénipotentiaires marocains en savent sans doute quelque chose, et l’un d’eux, Mohammed El-Mokri, l’a manifesté d’une manière qui a paru piquante. Les journaux du monde entier en ayant parlé, on ne commet aucune indiscrétion en disant qu’un jour de vacances, El-Mokri est parti pour Tanger. On a cru qu’il y allait pour des affaires graves, peut-être pour chercher des instructions confidentielles, peut-être pour apporter des renseignemens du même genre ; mais on a appris le lendemain que le but de son voyage était de faire venir son harem dont il ne pouvait pas se passer aussi longtemps que semblaient devoir se prolonger les travaux de la Conférence. Les plénipotentiaires marocains ont d’ailleurs un moyen très simple et très sûr de les faire durer : chaque fois qu’on prend une résolution, ils déclarent qu’avant de l’accepter ils doivent en référer au Sultan. Comme il faut près de huit jours pour aller à Fez, autant pour en revenir, et que le Sultan a peut-être la réflexion lente, on voit que cette obligation imposée aux plénipotentiaires du Maghzen est une raison suffisante pour que la Conférence ne finisse pas de sitôt.

Mais laissons ces bagatelles de la porte pour en venir aux choses vraiment sérieuses. Dès la première séance, après l’excellent discours de M. le duc d’Almodovar qui a précisé admirablement le programme modeste et limité que la Conférence doit remplir, M. Révoil a demandé la parole : « Je m’associe, a-t-il dit, aux sentimens exprimés par M. le duc d’Almodovar : je propose à la Conférence de donner son adhésion à la pensée qu’il vient de formuler si heureusement, et de prendre pour base des réformes projetées le triple principe de la souveraineté du Sultan, de l’intégrité de l’État du Maroc et de la porte ouverte en matière commerciale. A ces principes se rattachent ceux qui sont inscrits au programme en matière économique : ce sont