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pas dans l’enceinte des villes les plus européanisées. C’est à cet état de choses que la Conférence devait pourvoir en empochant la contrebande des armes. Nous avons quelques doutes sur l’efficacité des remèdes qu’elle y a apportés, mais nous n’en avons pas sur leur caractère un peu tardif. Le mal est fait aujourd’hui ; les armes sont dans toutes les mains, et la population marocaine en est munie pour longtemps. Toutefois, si le mal est fait, ce n’est pas une raison pour ne pas l’empêcher de se perpétuer : les inconvéniens du présent doivent faire songer à l’avenir. On a donc pris quelques précautions pour la surveillance de la contrebande dans les ports. Dans l’intérieur des terres, nous avons fait admettre pour nous, et pour l’Espagne conséquemment, le principe que chacun des deux pays surveillerait la contrebande dans les régions voisines de ses possessions : nous la surveillerons sur la frontière algérienne, et l’Espagne la surveillera sur la frontière du Sud-Ouest où ses possessions sont limitrophes du Maroc, et dans la région du Riff au Nord-Est. Cette disposition est précieuse pour elle : c’est la reconnaissance des droits séculaires qu’elle aime le mieux à invoquer. Les journaux allemands n’ont pas manqué de dire qu’elle la devait à leur gouvernement et que, sans son intervention dans les affaires marocaines, elle ne l’aurait jamais obtenue ; mais on sait à quoi s’en tenir à Madrid, et cela nous suffit. La vérité est que personne ne peut contester, ni même songer à contester à l’Espagne les points sur lesquels elle s’est entendue avec la France et l’Angleterre, et nous sommes heureux qu’elle ait pu constater par l’expérience l’efficacité de cet accord.

Nous ne nous étendrons pas davantage sur la surveillance de la contrebande des armes : à quoi bon entrer dans les détails d’un règlement qui ne nous intéresse qu’au point de vue politique général ? Cette question une fois vidée, la Conférence en a abordé une autre, la question fiscale, et là elle a eu quelques surprises. Ce sont les Marocains qui les lui ont causées. Ils s’étaient tus longtemps, ou ne s’étaient exprimés que par des gestes qui étaient généralement négatifs. Mais, s’ils n’avaient pas des idées bien arrêtées sur la contrebande des armes, ils en avaient, parait-il, sur les réformes financières et, dès qu’elles ont été à l’ordre du jour, ils ont commencé à parler. Ils ont donné lecture de deux documens, dont l’un était rédigé en arabe, — il a fallu le traduire, — et l’autre en français. Le premier, qui n’était d’ailleurs qu’une introduction au second, venait un peu tard. Les plénipotentiaires marocains éprouvaient le besoin de dire, après M. le duc d’Almodovar qui l’avait si bien fait, quelle était, dans