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1826, il a fait un cours à l’Athénée sur la littérature anglaise, s’il a consacré trois volumes aux grands prosateurs de l’Angleterre, il le dut aux encouragemens de M. de Roquefeuil avec lequel il resta en relations jusqu’à la fin de sa vie et dont il ne parlait jamais qu’avec reconnaissance.

Dans cette première période de mon enseignement, je ne songeais qu’à m’approvisionner à composer pour mon usage personnel un fonds de connaissances solides que je retrouverais au besoin dans mes leçons et dans mes conférences. J’emploie avec intention les deux termes qui correspondent à la division de nos cours. Il était convenu, en effet, que nous consacrerions une leçon par semaine au sujet principal que nous aurions choisi, à une exposition magistrale destinée au grand public et que nous réserverions une seconde séance plus modeste, plus familière, aux commentaires et aux explications de textes. Chargé à moi tout seul de tout le cours de littérature étrangère, passant chaque année du Nord au Midi ou du Midi au Nord, je ne pouvais me contenter des ressources que m’offraient la littérature italienne et la littérature anglaise. L’allemand dans lequel se traduit à peu près tout ce qui s’écrit, sans la connaissance duquel il y a bien des choses qu’on ne peut savoir, m’était plus nécessaire encore. Je résolus de l’étudier à fond et de passer pour cela le plus de temps possible en Allemagne. Rien de plus facile. Quelques heures de chemin de fer me mettaient sur les bords du Rhin par Strasbourg ou par Forbach. A Mayence, je retrouvais des souvenirs de mon grand-père qui y avait passé douze années de sa vie, de ma mère qui y était née. Le pays Rhénan et les bords de la Moselle, de Thionville à Coblentz, par Trêves, me devinrent très vite familiers. Il y avait là des coins de paysages que je connaissais aussi bien que ma terre natale. Puis vinrent les grandes randonnées : Dresde, son théâtre royal et son merveilleux musée ; Leipzig, le pays des éditeurs et des livres ; Berlin, où je voyais finir le règne d’un roi illuminé, où je recevais les confidences du grand Alexandre de Humboldt. Rien ne faisait pressentir alors les orages de l’avenir. Tout était à la paix et à la sympathie. Nous recevions partout l’accueil le plus aimable. Alexandre de Humboldt particulièrement, avec sa figure rasée et spirituelle, avait l’air d’un Parisien échappé du boulevard. Il connaissait mieux que nous les anecdotes de la société parisienne et il les racontait avec une verve amusante.