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encore soixante-dix voix dans les grands jours. Et puis, il veut finir le traité anglo-japonais dont les négociations sont pendantes ; il espère encore, pendant la session prochaine, mener à bien une loi qui remaniera les circonscriptions électorales et qui aura pour principal effet de diminuer le chiffre de la représentation irlandaise pour le mettre en rapport avec la population actuelle de l’île. On était au milieu de novembre. Le traité anglo-japonais était signé et, malgré les critiques de quelques libéraux qui regrettaient l’isolation traditionnelle, la splendid isolation, si chère aux politiciens de l’école de Manchester, on peut dire que ce traité avait été bien accueilli par l’opinion. M. Balfour espérait encore se présenter devant le Parlement au mois de février à la tête d’une majorité imposante. Pour cela, il était nécessaire de rallier en un seul corps d’armée l’avant-garde et l’arrière-garde, les tièdes et les bouillans. Dans un discours prononcé à Newcastle, il fait appel à la conciliation. De l’autre bout du royaume, de Bristol, une voix ironique et un peu brutale, celle de M. Chamberlain, lui répond. Non, pas de conciliation possible entre les libre-échangistes déguisés et les partisans résolus de la réforme fiscale : « Si vous voulez gagner la bataille électorale, marchez au scrutin avec un programme net et franc, que tout le monde, amis et ennemis, puisse bien comprendre. » À partir de ce jour, un journal qui passe pour recevoir les inspirations du grand homme de Birmingham somme M. Balfour et son ministère de se retirer et de laisser aux libéraux le soin de convoquer les électeurs. Pourquoi les tories ne prendraient-ils pas l’initiative de la dissolution ? Parce que, dit-on, les libéraux auraient toutes les chances en leur faveur dans une élection générale, s’ils n’ont à présenter qu’un programme d’opposition composé de critiques contre le gouvernement. Mais, s’ils sont eux-mêmes au pouvoir, les voilà forcés de formuler l’ensemble de mesures législatives qu’ils se proposent de soumettre au pays. Dans ce cas, sous peine de perdre l’alliance du parti irlandais, dont les 82 voix lui sont un appoint nécessaire pour former sa majorité, il lui faudra produire, de nouveau, cette désastreuse politique du Home-rule déjà condamnée plusieurs fois par les électeurs et destinée, d’ailleurs, à se briser inévitablement contre la résistance de la Chambre des lords.

Chose curieuse : le leader du parti libéral tombe, d’avance et de lui-même, dans le piège qu’on va lui tendre. Dans un dis-