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Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 31.djvu/812

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les outranciers, les extrémistes des deux camps qui auront raison devant les électeurs.

21 décembre. — Grande réunion libérale à Albert Hall. Plus de dix mille personnes y assistent. Cette réunion a, en quelque sorte, un caractère officiel. Le chef du nouveau cabinet y paraît dans sa gloire, entouré de tous ses ministres, et y débite un discours qui n’a aucun accent personnel, — car le premier ministre n’est pas éloquent, tant s’en faut ! — mais qui tient à la fois de l’action de grâces, du prospectus industriel, du boniment forain et du manifeste électoral.

Campbell Bannerman expose les intentions du nouveau gouvernement. En ce qui touche l’Inde, subordination du pouvoir militaire au pouvoir civil. Dans l’Afrique du Sud, arrêt immédiat de l’immigration chinoise. Sympathie pour la Russie dans la crise qu’elle traverse ; maintien de l’entente cordiale avec la France, mais amélioration des relations avec l’Allemagne. Aucune promesse sur la réorganisation de l’armée, pas un mot sur la marine. Les dépenses navales et militaires, qui ont doublé depuis dix ans, seront réduites. Une phrase vague sur le dégrèvement des impôts au détriment de la propriété foncière est vivement applaudie. En même temps, le gouvernement promet de favoriser le réveil de l’agriculture. Comment ? on n’en sait rien. De nouveau, les réformes sociales vont occuper l’attention du Parlement. La loi scolaire sera remaniée ; la législation des cabarets sera, également, revisée ; la question des logemens ouvriers et toutes celles qui s’y rattachent vont être mises à l’ordre du jour. On s’occupera immédiatement de donner du travail à ceux qui en manquent, et c’est l’ouvrier John Burns, aujourd’hui membre du cabinet, qui guidera ses collègues dans cette œuvre si urgente et si nécessaire. À l’avenir, tout ira bien, puisque le premier ministre s’appelle Campbell Bannerman au lieu de s’appeler Balfour.

27 décembre. — John Burns semble se multiplier. L’autre jour il recevait une députation qui venait lui demander ses intentions sur la question des ouvriers sans travail. Hier soir, il haranguait deux mille de ses électeurs à Battersea. John Burns, qui a aujourd’hui quarante-sept ans, était accompagné de sa femme et de son petit garçon. Réunion de famille enthousiaste, discours tout à fait caractéristique, à la fois violent et habile, où l’homme de gouvernement et le démagogue se confondent sans