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moins, pour trouver des palliatifs, on compte sur John Burns. Il annonce la création de vingt nouveaux bataillons de milice dans les districts où il y a le plus d’artisans sans travail. Je doute que les classes ouvrières goûtent ce moyen de leur venir en aide. Le « droit au travail » revient sur le tapis, et ceux qui savent un peu d’histoire ont fort à faire pour rappeler aux imprudens la désastreuse et ridicule aventure de nos ateliers nationaux de 1848. Payer les ouvriers pour un travail inutile, cela vaut-il mieux que la charité ?

Dès son entrée aux affaires, le ministère a pris une décision dans la question de l’immigration chinoise. Une dépêche sensationnelle a été envoyée par lord Elgin, le nouveau ministre des Colonies, à sir Arthur Lawley, lieutenant gouverneur du Transvaal, pour arrêter immédiatement l’enrôlement des coolies.

M. Chamberlain s’est moqué, avec quelque raison, de cette dépêche. Ou bien c’est un morceau de papier sans valeur, une vulgaire manœuvre électorale destinée à tromper les badauds ; ou bien c’est une infraction aux lois qui régissent la propriété privée, une atteinte portée à la validité de contrats parfaitement réguliers et inattaquables. « Lorsque je suis allé en Afrique, continuait M. Chamberlain, j’ai trouvé les esprits divisés sur cette question. C’est à la colonie seule qu’il appartient de la trancher. Si le gouvernement de la Métropole prenait sur lui de la décider, il se rendrait coupable du plus grave empiétement sur les droits coloniaux qui ait été commis depuis le mémorable Act du Timbre qui a causé la perte des colonies d’Amérique. »

Il est parfaitement vrai que le gouvernement a les mains liées et que la fameuse dépêche est un coup d’épée dans l’eau. On a maintenant les chiffres exacts : 47 000 Chinois sont actuellement au travail dans les mines du Rand ; 14 000, régulièrement engagés, sont en route ou sur le point de s’embarquer dans les ports de Chine. Impossible de les arrêter.

M. Balfour soutient, sur ce point, une thèse toute différente de M. Chamberlain. Il défend énergiquement les mesures prises par le dernier ministre des Colonies, M. Lyttelton. Il est amusant de voir combien les deux partis apportent peu de sincérité dans cette discussion. Les libéraux s’attendrissent sur le sort de ces malheureux Chinois, attirés vers une terre étrangère, réduits à un véritable esclavage et emprisonnés dans des enceintes