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Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 31.djvu/829

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spécialistes, à la veille de la guerre, auraient déclaré impossible : l’Angleterre a transporté trois cent mille hommes d’un hémisphère dans l’autre et a réussi à les faire vivre. Cela donne à réfléchir aux nations qui seraient tentées de l’attaquer. De plus, l’Angleterre a montré à l’Europe qu’elle n’avait cure de ses indignations et de ses remontrances ; qu’à l’avenir elle prétendait se mêler de tout et ne permettre à personne de se mêler de ce qui se passe chez elle. L’Europe, qui a pris, depuis un certain nombre d’années, l’habitude de respecter ceux qui la méprisent, s’est inclinée devant cette nouvelle attitude ; et voilà comment l’Angleterre, considérée longtemps par Bismarck comme quantité négligeable, est redevenue une des puissances dirigeantes de la politique universelle. Les libéraux le savent, bien qu’ils affectent de crier le contraire, et la force des choses, — parlant peut-être par la bouche d’Edouard VII, — fera, tout doucement, de sir Edward Grey le continuateur de lord Lansdowne. L’Allemagne, qui souriait déjà, en sera pour ses sourires. Au lieu de l’Impérialisme fanfaron, nous aurons l’Impérialisme sournois. Mais ce sera toujours l’Impérialisme et ce ne peut être autre chose. En somme, on s’apercevra, comme il arrive après les grands changemens,… que rien n’est changé, ou peu de chose.

Augustin Filon.