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Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 31.djvu/852

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de l’Italie aux volontés de Bonaparte et il ne pensait pas que son frère pût s’y réfugier sans s’exposer à de multiples périls. Maintes fois, en lui écrivant, il en avait évoqué l’image, afin de le détourner de son dessein. Ce n’est qu’en le voyant y persister qu’il avait ordonné à ses enfans de venir le rejoindre en Angleterre si ce dessein se réalisait.

Déjà si puissans au commencement de 1801, les mobiles de sa détermination l’étaient plus encore au commencement de 1802. En 1801, les troupes russes occupaient encore Naples, où les avait conduites la volonté du Tsar de défendre la monarchie bourbonienne ; le pape Pie VII, à peine élu, avait témoigné au roi de France des sentimens favorables à sa cause et l’Angleterre restait en armes. Au commencement de 1802, tout était changé. Les troupes russes avaient quitté Naples, achevant ainsi de livrer l’Italie aux entreprises françaises. Le roi des Deux-Siciles, contraint de traiter avec le Premier Consul, avait dû se résoudre à rétablir dans leurs biens et dignités ceux de ses sujets qui s’étaient révoltés contre sa couronne ; il n’était plus maître chez lui. Le Pape lui-même, soit par force, soit par séduction, était devenu « un vrai satellite de Bonaparte » et les conférences d’Amiens, qui venaient de s’ouvrir, équivalaient, de la part de l’Angleterre, à un aveu d’impuissance.

En de telles conditions, l’Italie était devenue pour le Roi, et par conséquent pour sa famille, un asile encore moins sûr qu’il ne l’était l’année précédente. La lettre de Louis XVIII, quelque suppliante qu’elle fût, ne pouvait donc ébranler ni la conviction ni la volonté du Comte d’Artois. Quoiqu’elle l’eût vivement ému, il ne crut pas pouvoir révoquer l’ordre donné à ses enfans. Elle ouvrait cependant la voie à une solution nouvelle et la réponse qu’il y fit, le 15 février, le montre empressé à mettre d’accord ses devoirs paternels avec ceux auxquels il était tenu comme frère et comme sujet.

« Voici les motifs qui ont dirigé ma conduite.

« A la funeste époque de votre départ de Mitau, j’étais autorisé à tout craindre de la part de nos ennemis, et, prévoyant ce qu’on pourrait exiger de vous ou peut-être ce qu’on pourrait en obtenir par des insinuations perfides couvertes sous le voile de l’intérêt pour votre cruelle position et même pour vos droits, je frémissais de vous voir entraîné dans des pays esclaves ou complices de l’usurpateur. D’après cette inquiétude qui n’était que