même manière ; en une seule année, il aliénait pour plus de 45 millions d’immeubles et de droits domaniaux, épars sur toute la France : fermes utiles ou seigneuries brillantes, maisons de rapport ou simples étaux de boucherie, boutiques sur un pont ou terrains à bâtir dans la banlieue d’une ville. Tels qu’ils subsistaient au milieu du XVIIe siècle, les biens royaux rapportaient environ 10 millions de francs par an, dont 4 millions venaient des coupes de bois, 1 500 000 de ce que l’on continuait d’appeler le « domaine de France » et le reste des fermes et droits domaniaux d’autres provinces.
La fortune du souverain eût donc à peine suffi, sous l’ancien régime, à payer la moitié de ses dépenses ; or, quoiqu’il ne puisse être fait aucune assimilation pratique entre un roi du XVIIe siècle et un financier du XXe, nous avons en France tel concitoyen qui possède aujourd’hui ces vingt millions de revenus privés, — que Louis XIV n’avait pas, — et qui n’a pas les mêmes frais de représentation que Louis XIV.
Trois personnes ont joui, sous l’ancien régime, d’un budget de 5 millions de rente, mais ce ne furent pas non plus des personnes privées : le duc Gaston d’Orléans et les cardinaux de Richelieu et Mazarin. Monsieur, frère de Louis XIII, longtemps son héritier présomptif et le dernier apanagiste de France, ne tirait de ses duchés d’Orléans, de Chartres et du comté de Blois que 500 000 francs de rentes en terres ; mais les ventes de charges judiciaires et administratives, qu’il avait droit d’effectuer à son profit dans les limites des trois départemens actuels, du Loiret, d’Eure-et-Loir et de Loir-et-Cher, lui valaient 700 000 francs par an et le Roi lui avait octroyé 4 millions de pensions sur divers fonds. A supposer que ces pensions aient été intégralement payées, — ce qui, à l’époque, est assez problématique même pour les plus hauts personnages, — Gaston aurait disposé de plus de 5 millions par an. Nous avons aujourd’hui des marchands de nouveautés et des fabricans de fer qui gagnent tout autant.
Le cardinal de Richelieu possédait davantage : pauvre « évêque crotté, » comme il s’intitule, réduit en 1617, après la chute du maréchal d’Ancre, à emprunter pour faire figure, il laissait à sa mort 940 000 francs de rentes en terres, dont 80 000 provenant de son duché de Richelieu, 140 000 de Fronsac, 65000 de la baronnie de Barbezieux, etc. Et ce n’était que la