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Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 31.djvu/881

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domaine originel ses pères et lui avaient, à la fin du XIVe siècle, adjoint 26 autres terres et leur revenu global était de 336 000 francs. Il y joignait 405 000 francs de multiples « pensions à vie » ou « à volonté, » — temporaires ou révocables, — dont les donateurs étaient le roi de France, le Duc de Bourgogne, la duchesse de Brabant, le Pape, la reine de Sicile, etc. Il jouissait ainsi d’environ 740 000 francs de rente ordinaire ; sans compter des dons occasionnels, comme celui de 465 000 francs qu’il obtint pour « garde de forteresses » l’année même où il fut tué à la bataille de Nicopolis.

Au milieu des orages de la guerre de Cent ans, où s’éteignirent tant de races puissantes, dont les unes disparurent sur les champs de bataille tandis que d’autres s’éclipsaient dans la misère et sombraient dans l’obscurité, les La Trémoïlle n’avaient cessé de jouer le premier rôle. Parvenus à l’apogée avec Louis II, le « chevalier sans reproche, » qui commanda à Fornoue, se distingua à Marignan et mourut à Pavie, ils possédaient, à la fin du XVe siècle, 830 000 francs de revenus, dont 280 000 provenaient de pensions royales.

Au XVIe siècle, j’ignore sous l’influence de quelles causes, la situation matérielle de cette maison était moins brillante ; ses terres, pourtant aussi nombreuses, ne paraissent, en 1552, lui rapporter que 350 000 francs, — la baronnie de Craon et la vicomté de Thouars ne donnaient pas le quart de leur rendement ancien ; — sous Louis XIV au contraire, bien que politiquement diminué, au regard de ses ancêtres et réduit à la simple condition de grand seigneur, le duc de La Trémoïlle avait atteint, en 1679, le maximum de ce que ceux de son nom devaient posséder sous l’ancien régime : environ 1 200 000 francs de rente. Il ne restait pas la moitié de ce chiffre à son héritier, au moment de la Révolution.

Douze cent mille francs de rentes étaient, dans la seconde moitié du XVIIe siècle, un budget moins prodigieux que dans tes âges antérieurs, où personne à peu près ne l’avait eu. Il y avait plus de riches aux temps modernes qu’au moyen âge ; non qu’il y eût en France plus de bien-être parmi la masse, au contraire. Les salaires étaient plus bas et la classe des travailleurs moitié plus pauvre sous Louis XV qu’elle n’avait été sous Charles VIII. Mais ces millions de gens inconnus ne comptaient ; pas ; personne ne s’en souciait, et eux-mêmes, une fois leur de possession